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Ils « couraient devant les chiens », en échange du service qu’on leur rendait. À défaut de ce secours, il leur arriva de marcher de longues journées, le dos ployé sous le poids de leur bagage.

Lorsque les moyens permirent d’acheter et d’entretenir un attelage, le voyageur lui-même n’en fut guère soulagé. Il continua à courir sur la neige, les épaules libres seulement.

Que l’on fasse, en effet, le calcul de ce qu’il faut de poisson pour nourrir quatre chiens pendant une semaine, et plus, à raison de cinq à six livres, par tête et par jour. Ajoutons à ce « poisson des chiens » les vivres du maître, sa chapelle portative, sa hache, son fusil, sa misérable literie : voilà notre chargement complet. D’autre part, si un bras solide ne tient continuellement le traîneau, par l’arrière, dans les dédales des bois, des glaçons, des bancs de neige, il se disloque bientôt, se lacère, se met en pièces ; et la cargaison se disperse. De plus, les chiens ne marcheront ordinairement qu’à la suite d’un homme qu’ils verront courir devant eux. Sur la neige quelque peu épaisse, cette corvée d’éclaireur est absolument nécessaire. C’est ce que l’on appelle : battre la neige devant les chiens.

Tout voyageur qui voudrait « se faire traîner » aurait à doubler cet effectif, et son convoi supposerait deux traîneaux, l’un pour ses vivres et son bagage, l’autre pour sa personne, huit chiens, trois hommes, dont deux pour gouverner les traîneaux et le troisième pour battre la neige devant les chiens.

Comme le temps n’est pas encore venu pour le missionnaire du Mackenzie d’affronter les dépenses qu’entraîneraient de pareils équipages, il se contente du traîneau aux provisions. S’il a le bonheur de posséder la compagnie d’un frère coadjuteur, il lui propose l’une des fonctions guide ou gouvernail, et s’acquitte de l’autre.

Il convient pourtant de dire que, depuis quelques-années, grâce à de longues économies, et grâce au système organisé de leurs privations, les missionnaires se sont donné du moins la jouissance de fournir à leurs évêques un attelage-omnibus, qui se décore du nom de carriole. La spécialité de ce traîneau épiscopal est d’avoir la peau d’orignal, qui forme ses parois, plus soigneusement tendue, et même