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garçon commençait à s’endormir malgré lui et malgré moi. Je compris que le moyen de lui sauver la vie était d’essayer de camper encore. Je trouvai heureusement une épaisse couche de neige. J’y fis un trou avec mes raquettes, j’y étendis mes couvertures et j’y couchai mon cher compagnon. Puis, je plaçai les chiens sur le coin, et je recouvris le tout de neige. Quand toutes mes opérations furent finies, je m’introduisis comme je pus auprès du petit garçon ; mais il aurait fallu une troisième personne pour me couvrir à mon tour. Quelques précautions que je prisse, le vent pénétrait toujours jusqu’à nous. Cependant, m’étant très fatigué pour faire notre lit, j’éprouvai d’abord une forte chaleur qui fit fondre la neige que j’avais dans mes habits. Le vent gela bientôt le tout, de sorte que je ne savais plus où mettre mes mains pour leur éviter de se geler. Mon compagnon était dans le même état. Tout couchés que nous étions, nous passâmes la nuit à nous remuer, à nous frotter, à souffler pour nous réchauffer. Enfin, une dernière fois, n’en pouvant plus, je sors de dessous mes couvertures pour prendre mes ébats plus à l’aise. Je crus alors apercevoir la terre. Vite, je fais lever mon petit garçon, nous plions bagage et nous nous dirigeons vers l’endroit où nous espérons pouvoir faire du feu. Je sens qu’un de mes talons se gèle. Mon compagnon éprouve la même chose dans ses deux pieds. Nous ne pouvons plus chausser nos raquettes. Après une marche assez longue, nous arrivons à terre.

Nous avons eu beaucoup de peine à trouver du bois et plus encore à allumer notre feu. Nous aperçûmes alors deux traîneaux. Nous crions de toutes nos forces. C’étaient le père et l’oncle de mon compagnon à notre recherche. Nous campions sur l’île où se trouve la mission, et nous n’en étions qu’à un quart d’heure de distance… »


En arrivant à la mission, Mgr  Grandin trouva les Pères Gascon et Petitot, tout en larmes, offrant le saint sacrifice pour le repos de son âme.

Ils avaient passé la nuit à tirer des coups de fusil, à fouiller les abords du lac en agitant des tisons enflammés ; et rien n’avait répondu. Mgr  Grandin aurait dû se geler jusqu’au cœur, disent les Indiens du pays.

Mais la Providence garde le missionnaire.

L’humble traîneau sauvage fut, au début des missions, un luxe exceptionnel.

Les missionnaires s’estimaient heureux de trouver, sur le traîneau du commis de la Compagnie, une petite place pour leur couverture de nuit et pour le strict nécessaire de leur chapelle. Mgr  Taché, Mgr  Faraud, Mgr  Clut, Mgr  Grouard, le P. Gascon allèrent ainsi de nombreuses années.