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pardon, elle leur raconte comment il se fait qu’elle vive encore… Elle avait ménagé, et ménagé, sa petite provision ; après cela, elle avait mangé des racines, puis des écorces, puis ses mocassins, enfin sa robe. Longtemps elle avait réussi à conserver le feu, pour éloigner les loups, qui hurlaient tout autour. Afin de ne dépenser ses forces que le moins possible, elle allait, marchant doucement sur ses mains et ses genoux, chercher des branches mortes. Avec les lanières de ses mocassins, elle s’attelait au petit fagot et le traînait, dans la neige, jusqu’au foyer… Un jour, il n’y eut plus de branches mortes, et le feu s’éteignit. Les loups accoururent. Elle les empêcha encore quelque temps de la mordre, en agitant sa clochette et en frappant son tambourin… À la fin, n’ayant plus rien à manger, elle s’était mise sous les troncs d’arbres, pour mourir…

Les jeunes gens ne purent se défendre d’un mouvement de pitié. Ils firent un brancard, portèrent leur mère au canot, et la conduisirent, à 300 kilomètres de là, chez de braves chrétiens, Boniface et Madeleine Laferté, qui nous ont eux-mêmes raconté ce trait.

La vieille Indienne vécut encore deux ans dans leur maisonnette, revit le missionnaire, reçut le saint Viatique, et mourut tout heureuse.


Tel était le peuple sauvage que la Croix vint aborder, en 1844, et sur lequel elle rayonne aujourd’hui.

Quel fut le chemin de cette Croix pour les missionnaires, appelés par Dieu à l’honneur de la planter dans les glaces les plus lointaines ? Quels furent ces apôtres, évêques, prêtres, frères convers et religieuses ? Quelles déceptions et quelles consolations les accompagnèrent ?

C’est ce que voudrait raconter le reste de ce livre.