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AUX GLACES POLAIRES

que les Blancs eussent appris aux sauvages à se servir de chiens, la femme était attelée au traîneau, pendant que l’homme vagabondait à côté. Quand les chiens viennent à mourir, on l’attelle encore. La pauvre créature ne se croyait pas même une âme, et son humiliation lui était devenue si naturelle qu’elle ne pouvait croire que Dieu s’occupât d’elle, ni que la religion prêchée par le missionnaire fût pour elle, aussi bien que pour les hommes.

En 1856, le Père Grandin consolait une Montagnaise, baptisée, qui se désolait d’avoir perdu son fils :

— Pour rendre ton cœur plus fort, je te préparerai tous les jours pour faire ta première communion, lors du passage du grand prêtre (Mgr Taché).

Comme la sauvagesse le regardait toute ébahie, le Père Grandin répéta sa promesse.

— Me comprends-tu ?

— Non.

— Je te dis que je vais t’instruire sur la sainte Eucharistie, pour que tu puisses communier, lors de la visite de Mgr Taché, le grand Chef de la prière.

— Je ne comprends pas, je ne comprends pas !

Déconcerté, le missionnaire appela une femme métisse parlant français et montagnais :

— Viens donc à mon secours. Ma grand’mère me comprend pour tout, excepté pour une chose : je lui dis que je la préparerai pour sa première communion, et elle me dit toujours qu’elle ne me comprend pas.

Après les explications de l’interprète, la grand’mère reprit :

— Ah ! oui, je comprenais ! Mais je supposais que mon petit-fils, l’homme de la prière, se trompait, en me disant ce qu’il ne voulait pas dire. Qui aurait pu supposer qu’une pauvre vieille sauvagesse pût être admise à la sainte communion ?

Un sauvage du lac Athabaska vint un jour trouver le même missionnaire, après une instruction qui l’avait touché :

— Père, je comprends maintenant que les femmes ont une âme comme nous.

— Mais je n’en ai pas parlé.