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AUX GLACES POLAIRES

mirent à suivre les traces laissées dans la neige par le traîneau. Ils rejoignirent les missionnaires vers le milieu du jour. Ceux-ci comprirent leurs desseins perfides : ils connaissaient la mauvaise réputation de Sinnisiak et ses relations avec Kormick. Ils leur firent cependant bon accueil.

Afin d’expliquer leur présence, et surtout de se donner le temps de choisir le moment favorable, les Esquimaux dirent qu’ils allaient au devant d’un groupe de leurs parents, attardés dans leur retour du Grand Lac de l’Ours à la mer, et qu’ils avaient, à cette fin, amené deux chiens de relais.

« — Puisque nous allons dans la même direction, proposèrent-ils, nous vous aiderons à traîner votre charge, jusqu’au moment où nous rencontrerons notre monde. »

Les Esquimaux trouvent naturel de prendre le harnais d’un traîneau et n’estiment pas qu’il y ait rien d’humiliant dans ce travail. Au cours des longs voyages, tous les membres de la famille s’y emploient ; les femmes halent en tête, les chiens sont au milieu, et les hommes en queue. Et combien de fois les missionnaires du Nord n’ont-ils pas rendu ce service à leurs coursiers trop faibles !

Le soir venu, Sinnisiak et Oulouksak se retirèrent vers le fleuve, afin de camper à part.

Le matin, ils revinrent au traîneau ; mais ils ne purent encore frapper, ce jour-là.

Pour la nuit suivante, ils construisirent un Iglou, et tous quatre s’y abritèrent, côte à côte : nos pères pouvaient compter sur la loi de l’hospitalité qui rend inviolable tout étranger, tant qu’il se trouve sous la maison de neige de l’Esquimau.

Le lendemain, la caravane se remit en marche. En avant, le Père Rouvière battait la neige de ses raquettes pour frayer le passage. Le Père Le Roux était à la tâche, non moins pénible, de retenir, avec des cordes, l’arrière du traîneau qui, sans cela, aurait chaviré à chaque cahot.

Chemin faisant, le vent se leva et une tempête se déchaîna. La neige tourbillonnait en flocons épais et aveuglants. La marche devenait de plus en plus pénible…

Sinnisiak jugea le moment propice. Il murmura quelques mots d’ordre à l’oreille d’Oulouksak ; et tous deux se débarrassèrent du harnais.