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AUX GLACES POLAIRES

vont, se superposant et rétrécissant graduellement, en forme de-, coquille d’escargot, jusqu’à l’achèvement du dôme. Le dernier voussoir placé, le coutelas taille et détache au ras du sol un moellon. On obtient ainsi une ouverture par laquelle les hôtes de l’iglou y pénétreront en rampant. Le moellon de la « porte d’entrée » sera ensuite replacé pour clore l’édifice. Préalablement on aura eu soin d’étendre sur le plancher de glace quelque peau d’ours ou de renne.

Les Blancs étouffent bientôt dans ces trois ou quatre mètres cubes d’atmosphère constamment respirée et saturée de relents nauséabonds : odeur d’huile consumée, de tabac fumé, d’aliments graisseux, corrompus, et des déchets de toutes sortes. L’Esquimau, lui, se trouve tout à fait à l’aise. En peu d’instants, la lampe, les haleines et la température naturelle des corps transforment la ruche de neige en étuve de bain turc. Chacun des hôtes se débarrasse alors de toute surcharge, si ce n’est de toute charge, de vêtements. Malgré les coups répétés du coutelas qui perce la voûte de l’iglou pour laisser s’échapper avec un sifflement de soupape l’air dilaté et donner passage à un filet d’air froid, la chaleur s’élève bientôt à un tel degré que les parois se prennent à couler, comme la vapeur sur les vitres des maisons surchauffées, et que les blocs de neige se cimentent d’eux-mêmes et se transforment peu à peu en une glace dépolie transparente aux rayons de la lune. Mais, devenue complètement glace, là neige perd sa propriété isolante, et un autre iglou doit être construit. Les iglous à demeure sont plus vastes et mieux aménagés que l’iglou qui se dresse pour une étape nocturne, au cours des voyages. Ils peuvent durer de deux à trois semaines. Les reclus s’y installent, à portée des provisions qu’ils se sont accumulées dans leurs chasses et leurs pêches de l’automne. De nombreux villages d’iglous se bâtissent ainsi, en plein océan Glacial.

Vivant presque toujours dans l’abondance, durant l’été, à la poursuite du gibier nomade, les Esquimaux sont exposés, l’hiver, à des jeûnes effroyables. Il suffit que leurs approvisionnements n’aient pas répondu aux besoins, et que, d’autre part, les tempêtes, qui règnent de décembre à mars, balayent trop longtemps la surface de l’océan, et les empêchent de repérer, aux environs de leurs iglous, les