Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/440

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
427
LES CRIS
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Mon Père, je n’ai pas de péché à te dire. Depuis que je prie, je ne crois pas avoir offensé Dieu une seule fois. On a beau leur faire des questions, c’est inutile ; on ne trouve aucun péché :

Oh ! oui, mon Père, quand je ne priais pas, j’ai fait bien des fautes ; mais alors seulement, pas depuis ce temps-là. Et quelquefois il y a de dix à quinze ans qu’il se sont convertis !


La chrétienté Crise qui semble répondre aussi parfaitement qu’il se puisse aux vœux du missionnaire se trouve au lac Canot, au sud du Portage la Loche. Une communauté religieuse, assure-t-on, n’y marcherait pas avec plus d’entrain à la prière, à la sainte messe, à la communion quotidienne, à tous les appels de la cloche et de la voix du prêtre. Là, fleurissent la charité et la pureté, sous la garde du Père, roi-pontife que l’on vénère, chérit, et sert toujours.

Il n’est missionnaire, même des Montagnais, qui n’apportât ici son témoignage des hautes vues „ surnaturelles, qu’il put admirer dans l’âme des Cris rencontrés sur sa route apostolique, Mgr  Breynat, venant de son vicariat du Mackenzie à Edmonton, passait avec son traîneau en face d’un campement Cris, en aval du fort Mac-Murray, lorsqu’on courut l’arrêter et le prier de venir assister la fille du chef Chrysostome, qui se mourait. Il la trouva souriante dans ses dernières souffrances. Voulant éprouver cette sérénité qui le touchait :

— Ça ne te fait donc rien de mourir, mon enfant ?

— Oh ! non, Monseigneur, j’en suis contente.

— Mais vois donc tes bons parents, comme ils t’aiment. Ne préfèrerais-tu pas guérir et demeurer avec eux ?

— J’aime mieux mourir. Il est trop difficile de bien vivre !


N’est-ce pas sur la base très profonde de l’amour de l’homme mortel pour Dieu, la base du sacrifice, que ce jeune chasseur du lac Athabaska s’appuyait pour refuser les consolations que Mgr  Clut lui apportait, quelques mois après un accident qui lui avait brûlé les yeux ?

— Ah ! je remercie plutôt le bon Dieu, répondait-il. Si je voyais encore, je continuerais peut-être à l’offenser, tandis que je pense continuellement à lui. Non, je n’aurais pas pu choisir une meilleure souffrance que d’être aveugle et de ne