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LES PEAUX-DE-LIÈVRES

Du lait, une pomme de terre, il aurait fallu un voyage de six mois, pour les lui apporter alors. Maintenant, il eut refusé jusqu’à ces douceurs. Il avait comme goûté au Ciel :

— Oh ! si je pouvais mourir, disait-il après sa dernière communion, si le bon Dieu voulait m’appeler à lui ! Je ne suis plus bon à rien sur cette terre, pourquoi y rester plus longtemps ? Tous mes désirs sont au ciel !… Prenez-moi donc, mon Dieu !…

Un délire intermittent l’épuisa ensuite en des discours, brisés par la toux, et dont le sujet était toujours la gloire de Dieu et le salut des âmes.

Après l’action de grâces de la communion suprême, son regard prit l’ardeur extatique, et se porta tour à tour de l’image de saint Joseph mourant entre les bras de Jésus et de Marie au pauvre tabernacle qu’il pouvait voir, de sa couche de peau de buffle, par le rideau entr’ouvert de l’alcôve-sanctuaire.

« C’est dans cette attitude qu’il expira, le sourire aux lèvres », le samedi 4 juin 1864, à cinq heures du matin, à l’âge de 38 ans.

Le jour même, le Père Séguin écrivait :

« Dès que la nouvelle de sa mort s’est répandue, les sauvages et les métis ont accouru en foule pour le contempler encore une fois. Il est sur son lit, couvert de sa soutane, d’un surplis et d’une étole, tenant entre ses mains sa croix d’Oblat, qu’il aimait tant à embrasser hier, lorsque ses souffrances redoublaient. J’avais couvert son visage d’un voile, mais il a été bientôt enlevé. On ne pouvait se rassasier de le regarder. »


Le Père Grollier repose à la place du cimetière de Good-Hope qu’il réclama lui-même, un jour que le Père Séguin lui manifestait son intention de l’inhumer sous la future église :

— Non, non ! avait-il répliqué ; enterrez-moi avec les sauvages, entre les deux derniers qui sont morts ; le visage tourné vers la croix.