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LES ESCLAVES

rés par l’Église, le modèle que retraça la vie du Père Lecomte, il faudrait s’arrêter devant saint Jean Berchmans.

D’Henri Lecomte, comme de Jean Berchmans, le portrait tiendrait en ce cadre : « Ange à la prière, homme au travail. enfant en récréation. »

Il ne savait que prier, travailler et sourire.

Il y a près de trente ans qu’il n’est plus, et rien qu’à le nommer, en présence des sauvages, des commerçants, des missionnaires qui le connurent, les fronts de tous s’éclairent aussitôt de ce rayon qui doit flotter encore sur le front des voyants, au lendemain d’une apparition.

Une conférence de Mgr Faraud, au grand séminaire de Laval, en 1874, lui avait révélé sa vocation à l’apostolat. Il eut à vaincre de grandes oppositions, dont la moindre n’était pas celle de son Ordinaire ; mais il partit sur-le-champ. Ayant fait son noviciat à Lachine, près de Montréal, et prononcé ses vœux perpétuels au lac la Biche, il fut ordonné prêtre par Mgr Clut, à la Providence, le 28 octobre 1877. En 1878, il était donné comme socius au Père de Krangué, au fort des Liards.

Socius (compagnon), il le fut à la façon du Nord. Il se rendit au fort Nelson, où il demeura dix ans, ne quittant sa solitude que pour aller se réconforter, une ou deux fois par an, au fort des Liards.

Ces dix années furent les principales de la courte vie du Père Lecomte. Il y assura la conversion des Indiens du fort Nelson, qu’il trouva presque tous païens. Il y acquit ses infirmités fatales.

En 1880, le Père de Krangué pouvait déjà dire aux supérieurs :


À Saint-Paul (fort Nelson), le troupeau s’améliore peu à peu, grâce à Dieu et aussi au zèle du R. P. Lecomte, qui y met tout le sien, soit à l’étude des langues, soit dans l’exercice du saint ministère. Il est aimé et désiré de tous les sauvages. Il est plein de zèle pour les âmes, ardent au travail, confrère gentil que c’est un plaisir, religieux exemplaire, et pieux comme un ange… Il vit de peu, et est toujours content.


Le Père Lecomte ne tarda pas à posséder à fond la langue esclave. Il la parlait avec une aisance que lui enviaient les sauvages. Il composa même un dictionnaire esclave fort