Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.
17
LES FOURRURES

évêque de ce pays sera nécessairement le très humble serviteur du dernier commis du district. Il ne pourra rien faire sans la Compagnie. Il ne pourra même se procurer sans elle les choses les plus essentielles à la vie. Il sera dans la nécessité de fermer les yeux sur les choses les plus blâmables, de louer les hommes les plus méprisables, tel qu’un N… Que peut-on encore attendre d’un tel homme qui vous dit qu’il vous aime en particulier, et vous déteste comme homme public ? C’est peu comprendre la royauté que de comparer un pauvre évêque, dans cette position, à un roi. »

Mgr Grandin avait alors 32 ans. Trente ans plus tard, le jour où, évêque de Saint-Albert, il consacra Mgr Légal, son coadjuteur, arrivé au moment d’une longue existence, sur ce sommet d[où les perspectives n’offrent plus au regard que les grandes lignes de leur ensemble, confondant les détails des personnes et des choses qui ont servi à les construire, il laissait aller son esprit et son cœur à une revue de la vie des missions du Nord et de la sienne. Quelques mots de ce patriarcal discours contiennent ce dont il faudra nous souvenir :


Lorsque nous pénétrâmes pour la première fois dans le territoire du Mackenzie, nous eûmes à surmonter une grande opposition de la part de la Compagnie de la Baie d’Hudson, toute puissante dans le pays, et sans laquelle nous ne pouvions le plus souvent ni voyager, ni même envoyer nos lettres à nos supérieurs ; il fallait donc compter avec cette Compagnie. Heureusement que la plupart de ses serviteurs étaient catholiques, et que, par là même, elle devait compter un peu avec nous.


Il n’est qu’un seul terrain d’égalité, sur lequel les commerçants de fourrures et les missionnaires se rencontrèrent trop souvent, et avec une pareille endurance : celui des privations, des sacrifices de toutes les aises de la vie, de la vie elle-même quelquefois. Des serviteurs de la Compagnie en vinrent à troquer leurs dernières provisions contre les peaux de bêtes apportées par les sauvages. La faim venait alors, avec ses tortures.

Au printemps 1890, Mgr Grouard descendait, en canot, le fleuve Mackenzie, jusqu’à son embouchure où il devait rencontrer les Esquimaux. En passant au fort Wrigley, situé au milieu du district Mackenzie, il trouva le commis