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AUX GLACES POLAIRES



De toute l’histoire de la tribu des Castors, la seule relation entièrement consolante que nous ayons découverte est celle-ci, du Père Le Treste, qui fut 18 ans missionnaire au fort Dunvégan, d’où il rayonnait, par monts et par flots, sur tout le bassin de la haute rivière la Paix :


26 octobre 1894. — J’arrive d’un voyage au fort Saint-Jean. C’est la première fois que j’ai trouvé une population castor si accueillante et dans de si bonnes dispositions, et qu’ils m’ont montré qu’ils savaient qu’ils ne sont pas uniquement sur la terre pour manger de la viande d’orignal. Tout différemment des autres fois, ils n’ont fait aucune difficulté pour laisser baptiser leurs enfants. J’ai baptisé aussi cinq adultes et un vieillard. A peu près tous sont venus me voir pour me dire qu’ils priaient le grand-prêtre (l’évêque) de m’envoyer chez eux, non plus pour quelques jours, mais pour y demeurer. J’ai eu la chance également de trouver à Saint-Jean la plupart des Castors de Hudson’s Hope, dont les bonnes dispositions ne le cédaient pas à leurs frères de Saint-Jean.


En 1866, Mgr Faraud avait aussi trouvé, au même fort, une consolation apostolique ; mais c’était dans le champ de la mort.


Des 1 800 Castors de ce poste, écrivait-il, il ne reste pas 800 ; et tous sont malades. On m’a assuré qu’il n’y avait pas plus de six ou sept chasseurs valides. Comme on leur avait mal indiqué l’époque de ma visite, je n’ai pas eu le chagrin de voir toutes leurs misères. Ayant appris, cependant, qu’il y en avait une quarantaine qui avaient passé l’été sur une plate-forme, au flanc des montagnes, j’escaladai la montée et, après avoir marché fort longtemps, j’en trouvai trente, couchés à l’ombre d’un saule. Ils n’avaient que la peau et les os, contraints qu’ils avaient été de disputer aux ours quelques fruits sauvages. Leurs corps étaient couverts d’ulcères creux, qui répandaient au loin une infection cadavérique. Je leur demandai s’ils désiraient le baptême :

« Nous ne vivons, me dirent-ils, que pour cela. Déjà nous serions morts depuis longtemps ; mais nous avons demandé à Dieu de vivre assez pour te voir et être baptisés. »

Après une courte instruction, je les baptisai.