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AU GLACES POLAIRES

la fable, il n’avait, dès lors, le droit de tondre, dans la toison du Nord, la largeur de sa main. À peine apprenait-on qu’un sauvage au bon cœur lui avait fait présent d’une fourrure pour l’envoyer à son vieux père de France ; ou que le missionnaire avait négligé d’offrir au fort-de-traite une dépouille de fouine qu’il avait tuée lui-même, que les hauts cris se jetaient sur lui de toutes parts. On alla jusqu’à lui faire un crime des lambeaux de peaux dont il confectionnait son vêtement, ses simples mitaines. À la moindre alerte d’infraction aux droits monopolisés par la Compagnie, un rapport était dressé, et l’évêque du missionnaire incriminé devait intervenir auprès du gouverneur abusé.

Tout était à redouter, si le bourgeois joignait à l’âpreté cupide le fanatisme sectaire. Malheur surtout au prêtre dont la présence serait devenue la condamnation d’une conduite licencieuse !

Les bourgeois tyrans ne furent point le grand nombre. Il y en eut assez toutefois pour inspirer à Mgr Grandin les lignes que nous voulons citer.


C’était au commencement. Les quelques missionnaires du Mackenzie, depuis le lac Athabaska jusqu’au fort Good-Hope, réclamaient un évêque. Le Père Grollier, du cercle polaire, insistait le plus :

« Il faut un évêque, écrivait-il, un évêque qui aura sur les sauvages et les engagés de la Compagnie, pour les affaires de notre sainte religion, un prestige égal à celui du bourgeois pour les affaires temporelles ; un évêque-Roi, en un mot, qui nous gardera, qui nous défendra. Sans quoi, nous périssons. »

Mgr Taché, évêque de Saint-Boniface, résolut de faire droit à cette supplique ; et, en attendant l’aboutissement des négociations avec le Saint-Siège pour la formation du vicariat d’Athabaska-Mackenzie et pour la nomination du Père Faraud, comme titulaire, il envoya Mgr Grandin, son coadjuteur, faire la visite de cette immensité. C’est au cours de ce voyage aux glaces polaires, qui dura trois ans, que Mgr Grandin écrivit à Mgr Taché, le 17 janvier 1861 :

« … Que vous dirai-je du pauvre évêque-roi ? C’est que le titre d’évêque-esclave vaudrait bien mieux. Le malheureux