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LA LUTTE POUR LA VIE

vu », et qu’il n’y a plus d’espoir, les faméliques, dévorés par la fièvre de leurs entrailles et par la combustion du froid, s’acheminent, aidés de deux bâtons, vers le poste de la Compagnie, ou vers la maison du missionnaire. Plusieurs tombent, au milieu du long voyage, et les loups, qui suivent par instinct ces tristes caravanes, en ont vite fait leur proie. Quelques-uns arrivent au fort, ou s’en approchent assez pour faire « avertir les Blancs ».

À ces cadavres qui se traînent, convient littéralement la parole de Job, que nous redisons à l’office de la Commémoraison des morts : Pelli meæ, consumptis carnibus, adhæsit os meum, et derelicta sunt tantummodo labia circa dentes meos ! Les yeux dilatés et sans regard dans leur grand cercle noir, les dents sèches et longues dans leurs gencives exsangues, les lèvres collées sur leurs mâchoires, la peau mâte, terne, plissée jusqu’aux ongles, ils viennent tomber aux pieds du missionnaire, n’ayant même plus la force d’exprimer une plainte, une prière…


L’infécondité d’un sol éternellement glacé, l’extrême isolement des régions arctiques, la misère presque permanente des sauvages : voilà donc le vrai cadre de vie et d’action où notre sympathie doit voir cinquante missionnaires, autant de religieuses enseignantes ou hospitalières, et des centaines de vieillards, d’orphelins et de malades, les yeux levés au ciel vers le Dieu des pauvres, les bras tendus, par delà leurs neiges et leurs glaces, vers les pays plus doux, vers la charité, capable de donner un peu de son or et beaucoup de son cœur.

Eh bien ! le Dieu des pauvres et des orphelins a entendu cette prière. La charité, « vierge pure et féconde », n’a jamais cessé de sourire, depuis soixante-quinze ans, sur ce désert de la désolation.

Voici, en tête de la bienfaisance, l’œuvre éminemment catholique de la Propagation de la Foi. On sait quelle patrie fut son berceau et quelle même nation l’alimente toujours, plus abondamment que toute autre, quels que soient ses malheurs, et quelles que soient les persécutions qu’y déchaînent les légions du mal contre ceux qui donnent à la