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NOTES.

Et aussi ce culte de la beauté, ce règne de la galanterie et des tendres soins, sans même acception de personnes, qui rangeait le guerrier le plus farouche au titre de servant d’amour[1], créait pour chaque dame un chevalier prêt à sacrifier sa vie, à l’expression même du plus extravagant désir[2], et portait, dans de simples

    et au-dessus du blason pour les tournois. Les chevaliers riches abandonnaient aux autres les chevaux et bagages pris dans le combat. Monstrelet, à propos d’une joute dans laquelle le comte de Saint-Pol remporta le prix des Dames (le dernier coup de lance), dit : « Esquels jours furent donnez moult grands dons à tous les officiers d’armes, pour lesquels ils crièrent à haute voix, par plusieurs fois, largesse, en dénommant ceulx qui ces dons leur avoient faits. » Du Guesclin donna au héraut du duc de Lancastre, qui lui apporta un défi, un gippon de soie avec cent florins d’or. Voir la note pénultième.

  1. On voit, dans les livres de chevalerie, que les preux les plus célèbres se plaçaient toujours sous le patronage des dames, qu’ils se faisaient gloire de servir. Pour les tournois, ils en acceptaient des insignes ou connaissance (signes pour se reconnaître), tels que rubans, bracelets, bannières, manchettes, ou autres objets provenant d’elles, et attachés par leurs mains sur leurs cottes d’armes ou sur une partie de leur armure. Les dames, qui ne perdaient pas de vue leurs chevaliers, avaient soin de remplacer ces faveurs lorsque le choc des armes les avait fait disparaître. Voir la note ci-après, p. 164. Dans d’autres circonstances, ces chevaliers portaient ostensiblement des chaînes, comme gages d’un vœu d’amour qu’on appelait emprise (ou entreprise). L’emprise ne pouvait être levée qu’à l’expiration du temps assigné par le vœu, ou par un combat.
  2. Sainte-Palaye nous a donné la traduction d’une ancienne pièce de vers français de Jacques de Basin, intitulée des trois Chevaliers et de la Chanise, qui prouverait l’exigence des dames et l’aveugle courage de leurs champions. L’un d’eux, bachelier, se détermine, au refus de deux autres, à combattre dans un tournoi, n’ayant, en guise de cuirasse, qu’une chemise, que lui avait envoyée, à cet effet, la dame qui présidait à la joute, avec le heaulme, les chausses de fer, l’épée et l’écu. Vainqueur, mais couvert de blessures, il conjure la dame de recevoir la chemise déchiquetée et sanglante, qu’il lui renvoie, et de la vêtir, pour l’amour de lui, dans un festin qu’elle donne. La dame se garde bien d’opposer un refus à ces instances. Elle se couvre de cette parure, trophée, sinon de sa sensibi-