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Cahors, sa ville natale, là même où son père tenait boutique d’épicerie, ce qui n’a rien de déshonorant et prouve que l’ère des castes est à jamais close en notre pays ; mais on a fait mieux, et c’est à Paris, au centre même de la capitale de la France, en face de l’emplacement où s’étendait le palais des Tuileries, brûlé par la Commune, que s’étale le monument qui fait revivre le tribun avec sa forte carrure, sa puissante expression et son geste vulgaire.

Méritait-il cette apothéose ? Je ne me sens pas le courage de discuter cette question. A-t-il cru à son génie ; a-t-il cru à la France ; a-t-il voulu sauver son pays ; a-t-il voulu sauver la forme de gouvernement qui lui était chère ? Je ne sais ; le savait-il lui-même ? Quel a été son vrai mobile : patriotisme, ambition ? Tous les deux sans doute ; une victoire lui assurait la puissance ; une victoire délivrait la patrie. Pour lui peut-être, pour elle à coup sûr, il en eût exigé un sacrifice poussé jusqu’à l’holocauste. N’a-t-il été, comme on l’a dit, qu’un imitateur de Danton et a-t-il imposé l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, pour se modeler sur les ancêtres de 1792 ? Qu’importe ? il n’a pas désespéré de la France ; cela seul l’absout de ses fautes et mérite le renom qui lui survit. Vercingétorix n’a pas contraint César à reculer, il n’en reste pas moins immortel.