Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 2.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En toutes choses humaines, le comique excelle à se faufiler. Trois mois après qu’Henri V avait refusé de faire ce qu’il appelait le « sacrifice de son honneur », et qu’en sa personne il reconduisait hors des frontières le dernier rejeton de la branche aînée des Bourbons, un compétiteur s’élevait contre lui et demandait aux tribunaux de reconnaître les droits au nom et au trône que la mauvaise foi lui contestait. Naudorf, le descendant du prétendu Louis XVII, lequel, comme je l’ai dit plus haut, n’était qu’un juif colporteur, réclamait par la voix de Jules Favre la reconstitution de son état civil, qui, selon lui, établissait sa descendance directe et sans interruption de Louis XVI et de Marie-Antoinette. La Cour d’appel ne fut pas suffisamment éclairée par les arguments de l’ancien vice-président du Gouvernement de la Défense nationale ; elle débouta Naudorf et rejeta sa demande d’enquête.

Cela ressemble à un drame anglais où, à travers les plus émouvantes péripéties, on voit le clown faire des pantalonnades pour divertir les spectateurs. J’imagine que le comte de Chambord ne s’émut pas beaucoup de cette revendication, mais il prit moins facilement son parti du vote de l’Assemblée ; ses manifestes s’en ressentirent et affectèrent un ton maussade. Il ne s’offrait plus au pays, il semblait le menacer de son retour ; dans une proclamation publiée par je ne sais plus quel journal légitimiste et datée du 2 juillet 1874, il disait : « La France a besoin de la royauté ; ma naissance m’a fait votre Roi. » Les couronnes sont comme les mouches ; on ne les attrape pas avec du vinaigre.

Le maréchal Mac-Mahon, duc de Magenta, celui que le comte de Chambord appelait volontiers « le Bayard des temps modernes », était légalement chef du pouvoir exé-

    France. Lorsqu’il passa par Vienne pour transmettre à Frohsdorf cette adhésion énorme, l’empereur d’Autriche voulut le voir et lui dit : « Aussitôt après la restauration d’Henri V, M. de Bismarck cherchera querelle à la France sur la question romaine de façon à la contraindre à la guerre : prévenez-en votre maître. » C’est sur cette affirmation qu’Henri V écrivit la lettre du drapeau blanc qui a déterminé l’établissement de la République. Ceci est un fait. » Je suis certain que M. Siméon Luce a tenu le propos qu’on lui prête, mais l’anecdote n’en est pas moins plus que douteuse ; c’est par scrupule que je la reproduis, car il m’est impossible d’y ajouter foi. À propos du comte de Chambord, je rappellerai la parole prononcée par Michelet à son lit de mort. En délire, presque en agonie, il s’écria : « Il eût fallu nourrir Henri V avec des cœurs de lion. »