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CHAPITRE PREMIER

LES PRÉLIMINAIRES DE LA PAIX



DERNIERS POURPARLERS ENTRE JULES FAVRE ET BISMARCK. — LA TÂCHE DU GOUVERNEMENT. — LA RÉVOLTE DE GAMBETTA. — MISSION DE JULES SIMON. — PANIQUE. — DÉCRET DE GAMBETTA. — DÉPÊCHE DE BISMARCK. — RIPOSTE DE GAMBETTA. — GAMBETTA DONNE SA DÉMISSION. — LA SINCÉRITÉ DES ÉLECTIONS. — ATTITUDE DE THIERS. — LE DUC D’AUMALE S’ARRÊTE À ANGOULÊME. — TRUBERT, PORTE-PAROLE DE THIERS. — ENTRETIEN. — THIERS À VERSAILLES. — MOLTKE ET BISMARCK. — LA LUTTE ENTRE THIERS ET BISMARCK. — LES PROVINCES ET LES MILLIARDS. — POUVAIT-ON CONSERVER METZ ? — PRÉLIMINAIRES DE PAIX. — DÉPÊCHE DE L’EMPEREUR GUILLAUME À L’EMPEREUR DE RUSSIE. — LE DÉSIR DE L’EMPEREUR GUILLAUME. — FINESSE DE THIERS. — ENTRÉE DES ALLEMANDS DANS PARIS. — LES PRÉLIMINAIRES DE PAIX SONT ADOPTÉS SANS DÉLAI. — LES ALLEMANDS ÉVACUENT PARIS. — DÉCONVENUE DE L’EMPEREUR ET DES ÉTATS-MAJORS ALLEMANDS. — LA PAIX.



TANT que durèrent les négociations pour l’armistice, Jules Favre fit la navette entre Paris et Versailles ; je crois qu’il ne coucha qu’une seule fois dans cette dernière ville, lors de sa première entrevue avec Bismarck. Il partait le matin muni des instructions du Conseil de la Défense nationale, ruminant ses plans de traité, préparant ses phrases, sûr de vaincre tant qu’il n’était pas en présence de son adversaire, promptement rappelé à la réalité par quelques mots du Chancelier, qui ne s’amusait guère aux bagatelles de la rhétorique, et cherchant quelques points d’appui pour se raccrocher dans sa chute. Le soir, après avoir fait un bon repas, il rentrait dans Paris affamé, souvent au milieu de la nuit, si tard que ses collègues s’inquiétaient de son absence. Ernest Picard, qui ne détestait pas les mots à l’emporte-pièce, disait : « Ce pauvre Jules Favre, il fait peine à voir, lorsqu’il revient de Versailles ; il ressemble à un vieux Caïn, traqué par le spectre d’Abel. »