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CHAPITRE III

LA DICTATURE DE GAMBETTA



LES OPINIONS POLITIQUES TIENNENT LIEU DE CAPACITÉ. — OBSESSION DE GAMBETTA. — IL SE SAISIT DE LA DICTATURE. — QUE FUT GAMBETTA ? — L’OPINION DU GÉNÉRAL DE LOE. — FREYCINET SUBDÉLÉGUÉ À LA GUERRE. — LEVÉE DES TROUPES. — PAS DE CARTES TOPOGRAPHIQUES. — LES PROPOSITIONS DE BISMARCK. — LE GOUVERNEMENT REDOUTE LES ÉLECTIONS ET REFUSE L’ARMISTICE. — LES BILLETS DE BANQUE. — MISSION À LONDRES. — LES CONSEILS GÉNÉRAUX PEUVENT ÊTRE RÉUNIS EN ASSEMBLÉE NATIONALE. — DÉCRET DE GAMBETTA QUI DISSOUT LES CONSEILS GÉNÉRAUX. — PROCÉDÉS JACOBINS. — À PARIS. — ENTRETIEN DE TROCHU ET DE GAMBETTA. — LE PLAN ADOPTÉ EN COMMUN. — MALENTENDU FUNESTE. — LA PEUR DE « LA RUE ». — RETOUR DE THIERS. — L’EUROPE CONSEILLE DE NÉGOCIER. — LA CAPITULATION DE BAZAINE. — LE 31 OCTOBRE. — THIERS ET BISMARCK NÉGOCIENT. — ON VA TOMBER D’ACCORD. — ENTREVUE AU PONT DE SÈVRES. — LES NÉGOCIATIONS SONT ROMPUES. — EN QUOI M. THIERS MÉRITE L’INDULGENCE DE L’HISTOIRE.



JE ne reviendrai plus sur ces deux personnages dont je regrette d’avoir eu à parler. Leur nomination au poste le plus important qui pouvait alors exister ne fut point l’effet du hasard ou le résultat d’une erreur ; elle fut voulue et elle met en lumière l’esprit qui animait le Gouvernement de la Défense nationale. Le choix des fonctionnaires, quelle que fût l’autorité dont ils devaient être revêtus, était déterminé par leur opinion, bien plus que par leur capacité. Je n’ai aucune notion d’art militaire, disait en 1793 Levasseur de la Sarthe au Comité de Salut public qui l’envoyait en mission près de l’armée du Nord ; on lui répondit : « Qu’importe, citoyen représentant ; si tu es un bon sans-culotte, il n’est besoin pour vaincre que d’être républicain. » Cette sornette semblait un mot d’ordre légué par la tradition jacobine et auquel on s’empressait d’obéir. On fut bien obligé d’utiliser les généraux et de leur confier les troupes réunies à la hâte, mais, à côté et au-dessus