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DEUXIÈME PARTIE

LA DÉFENSE NATIONALE

INTERMÈDE



LA chute de l’Empire, remplacé par un gouvernement d’occasion et d’aventure, mettait fin à ce que le XVIIe siècle eût appelé la guerre des Couronnes. Lorsque, à Sedan, les troupes de l’Allemagne s’écrièrent : Kaiser ist da et s’embrassèrent de joie, persuadées que la guerre était finie, elles avaient raison, elles étaient dans la logique du fait. Tout le monde crut que la paix s’imposait par la seule force des choses et qu’on allait la signer. Il n’en fut rien. L’empereur Napoléon III ne voulut point la faire, pour ne pas compromettre l’Empire — qui mourait ; le gouvernement nouveau n’osa point la conclure, dans la crainte de porter préjudice à la République — qui naissait. Le roi de Prusse, ayant fait prisonnier l’empereur des Français, était en droit d’attendre les plénipotentiaires, qui ne vinrent pas. Dès lors, la guerre cessait d’être politique ; elle devenait nationale ; elle n’eut plus pour but un équilibre à rétablir ou à modifier ; d’une part, elle visa la conquête et y réussit ; de l’autre, elle tenta la délivrance et ne la put obtenir.

Défaite, invasion, révolution, trois secousses dont la France fut ébranlée jusque dans ses profondeurs ; elle ne s’est pas écroulée sur elle-même, ce qui prouve qu’elle est solide ; elle n’en est pas morte, ce qui démontre qu’elle est vivace. Toute administration était désorganisée, par conséquent sans initiative et sans ensemble ; la guerre était faite par des recrues auxquelles manquait toute instruction militaire ; certains généraux — Chanzy, Jauréguiberry, Aurelle de Paladines — ont fait des prodiges qui sont restés stériles, à cause des instruments défectueux qu’ils avaient en main et surtout à cause des ordres confus auxquels ils étaient condamnés à obéir. Ici la défense