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elle venait de franchir la porte des Ternes. On y trouva 17 rouleaux de toile faits pour tromper les yeux les mieux exercés ; en réalité, elle contenait 17 cylindres de zinc, revêtus d’une belle chemise de coton blanc plissé, et desquels on versa 4 hectolitres d’alcool à 94 degrés qui, équivalant à 3 hectolitres à 100 degrés (alcool pur), représentaient 1 253 francs 58 cent, de droits. On fraude à l’aide de cabriolets en fer-blanc peint et qui ne sont qu’une vaste cuve ; on fraude en expédiant à Paris des piles d’assiettes qui sont entassées les unes sur les autres, par quatre douzaines, rattachées avec des liens de paille : les deux douzaines du milieu perforées cachent un bidon rempli d’alcool ; on fraude avec tout et pour tout. Parfois, lorsqu’on se trouve en présence de gens qui ne reculent devant rien pour satisfaire leur cupidité, on reste surpris de la hardiesse des moyens employés.

Une affaire de cet ordre a laissé de profonds souvenirs chez les agents du contrôle général ; elle mérite d’être rapportée. À la fin d’octobre 1864, on apprit avec certitude que des marchands de vin du quartier de l’Hôtel-de-Ville achetaient des alcools à 10 francs au-dessous du cours. On ordonna une surveillance qui amena la découverte de deux magasins situés dans deux quartiers différents ; ces magasins étaient alimentés par une tapissière chargée de fûts de petite dimension et qui partait du n° 11 de la rue de Jussieu ; la maison était bâtie en face du mur d’enceinte de l’Entrepôt des vins et presque vis-à-vis du corps de garde des préposés de l’octroi. On crut à une distillerie clandestine ; mais nulle fumée accusatrice ne s’échappait des cheminées, nulle eau ne s’écoulait dans la rue. Trois semaines se passèrent à examiner le local, les habitudes de ceux qui le fréquentaient, et le 26 novembre au matin le sous-inspecteur, le brigadier, deux commis ambulants, accom-