Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/353

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions dont il est si souvent le témoin et toujours la victime ? Sil ne les fait pas, on peut reconnaître du moins qu’il aide à les préparer, car il est naturellement frondeur ; par tempérament, par sottise, par niaise manie de paraître esprit fort, il se moque de tout, des autres et de lui-même, de la république et de la royauté, de la philosophie et du bon Dieu. Il a de l’esprit. En 1848, pour railler les rêveries socialistes qui se formulaient avec une excessive intempérance de langage, il chante :

Peut-être un jour le bourgeois éclairé
Donn’ra sa fille au forçat libéré.

Dans un club où l’on reproche à la bourgeoisie de se nourrir de la sueur du peuple, il répond qu’il en a goûté et que c’est fort mauvais ; mais cette ironie perpétuelle est entre ses mains une arme à toutes fins, il en blesse ses amis aussi bien que ses adversaires ; le pouvoir qu’il a acclamé, qu’il a choisi peut-être, qu’il défend par ses votes, il l’attaque par ses plaisanteries, il le mine, il le désagrège, il le détruit sans même s’en apercevoir : « histoire de rire. » Il y a longtemps que l’on dit : En France le ridicule tue. Jamais il ne renverse l’idole, mais il la démonte pièce à pièce ; un coup d’épaule la jettera par terre, et ce coup d’épaule ce sont les recrues provinciales, agitées de l’esprit de révolte, qui le donnent toujours au grand désespoir du Parisien. Comme les fourmis qui reconstruisent leur fourmilière bouleversée, il se hâte de réédifier un gouvernement, et dès que celui-ci est debout, il recommence à le taquiner, à l’ébranler, si bien qu’une nouvelle chute est à craindre. Depuis le commencement du siècle, ce spectacle s’est renouvelé souvent ; il serait peut-être sage d’y renoncer désormais, car, à faire pareil métier, les peuples ne tardent pas à périr.

Il y a toujours à Paris un nombre d’hommes prêts à