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s’amuser semble être le premier des devoirs. Il ne faut pas trop s’en plaindre ; ce vice est compensé : souvent il ramène ces jeunes gens au travail par la ruine, et il active singulièrement la circulation de l’argent qui, sorti de leurs mains, finit toujours par être employé d’une façon utile et honorable.

Quant à ce que l’on appelle plus particulièrement la moralité, la main brûle à feuilleter l’histoire ; qu’est-ce donc que la collection des mémoires et des correspondances du temps passé, si ce n’est le récit d’aventures que l’on ne sait trop comment qualifier ? Il y a certaines portions des annales de Paris qui ne seraient point déplacées dans l’Enfer de la Bibliothèque nationale. La simplicité de ces impudeurs qui s’étalaient au grand jour est extraordinaire ; on les acceptait sans trop détourner la tête. Lorsque Henri III posa la première pierre du Pont-Neuf, il voulait que l’on nommât celui-ci le pont des Larmes, en commémoration de celles qu’il versait alors, sans contrainte, sur la mort de Quélus et de Maugiron. En 1610, L’Estoile peint d’un mot l’état moral de Paris : « En un siècle fort dépravé comme est le nôtre, on est estimé homme de bien à bon marché ; més que vous ne soiés qu’un peu boulgre, parricide et athée, vous ne laissés de passer pour un homme d’honneur. » Sous la régence de Marie de Médicis, sous Louis XIII, le dévergondage ne trouve plus de mots pour s’exprimer. Moralement jamais on n’a été plus bas que sous la Fronde ; cette guerre civile, cette lutte de prérogatives menée par des coureuses qui traînent des intrigants derrière elles et les cachent tout crûment dans leur alcôve, est faite pour donner la nausée[1]. Ce n’est pas précisément par la pureté des mœurs que brilla l’époque de Louis XIV ; la fin du règne fut presque le

  1. Condé disait : « J’en ai assez de cette guerre de pots de chambre. »