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dont nos jours calomniés n’ont point donné d’exemple. Les relations du monde étaient sans sécurité : en certains cas, gentilshommes et bandits, c’était tout un ; que la province ait conservé des mœurs farouches, issues des coutumes féodales, on n’en peut douter, après les Grands Jours d’Auvergne de Fléchier ; mais les procès de la chambre ardente où les plus grands noms de la cour furent compromis, les procédures secrètes d’où la Montespan elle-même ne sortit pas bien nette, fournissent de singuliers renseignements sur cette société que l’on nous propose toujours comme un modèle de grâce et de façons élégantes.

L’urbanité de cette époque ne conviendrait guère à la nôtre, et la police correctionnelle verrait autre chose qu’une peccadille dans le fait suivant : « Le 19 janvier 1658, il y eut grand régal, grand bal et belle comédie chez le duc de Lesdiguières. Il traita six belles dames, et entre autres la veuve du marquis de Sévigny (Sévigné), à qui l’on dit qu’il en veut… Le roy fut à l’heure du bal, masqué à la portugaise… La collation ne fut pas finie et le roy estoit à peine sorti qu’on commenca à jouer des mains et à piller tout, jusque-là que l’on asseure qu’il fallust remettre quatre ou cinq fois de la bougie aux lustres et qu’il en cousta pour ce seul article plus de 100 pistoles à M. de Lesdiguières[1]. » Le bon vieux temps réserve beaucoup de surprises semblables à ceux qui l’interrogent. Fouquet, dans un dîner d’apparat, fit servir au dessert deux vases chargés de pièces d’or nouvellement frappées ; les convives se jetèrent dessus, en remplirent leurs poches et se sauvèrent, sans écouter le surintendant qui les rappelait en riant.

Nos financiers ont fait plus d’une fortune scandaleuse et quelques-uns ont dû satisfaire aux curiosités de la

  1. Journal d’un voyage à Paris en 1657, 1658, par MM. de Villiers, p. 387, 388.