Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que souvent ils ne peuvent supporter ; la tasse de café, — la demi-tasse, comme ils disent, — coûte quelques sous, en échange desquels on a aussi la clarté du gaz et la chaleur du poêle. Plus d’un personnage a débuté ainsi. Un homme qui a été un grand magistrat et dont la mort fut héroïque, avant d’être appelé aux hautes charges de l’État, allait, tous les soirs, avec sa femme, rue Dauphine, travailler dans un café annexé à un cabinet de lecture ; sa pauvreté ne lui permettait pas de se donner chez lui le luxe d’une lampe et d’un fagot.

Les fonctionnaires publics, — je ne compte pas l’armée, qui est de 34 454 hommes, — composent un groupe de 32 959 individus, ce qui n’est pas trop, lorsque l’on songe que presque tous les services généraux sont centralisés à Paris. « Il faut en France, dit La Bruyère, beaucoup de fermeté et une grande étendue d’esprit pour se passer de charges et d’emplois. » Cela a été vrai de tout temps : le fonctionnarisme est une maladie très-française. Sous prétexte d’être la plus aventureuse du monde, notre nation manque d’initiative, et bien des gens, — contents de peu, — estiment que c’est une bonne fortune de pouvoir entrer dans une administration publique, car, après soixante ans d’âge et trente ans de service, on en sort avec une retraite qui aide à mourir de faim.

Il y a des familles où l’on est employé et quelquefois fonctionnaire de père en fils. L’hérédité que l’on a abolie de fait est restée dans nos mœurs ; des hommes occupent d’importantes situations, même dans l’enseignement supérieur, sans autre motif que d’avoir un père qui les a occupées avant eux ; en politique même on succède à ses ascendants, et plus d’un député n’a pour seule raison d’être qu’un parent autrefois connu dans les assemblées parlementaires. Et cependant, un de ceux-