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spécialise et reste confiné dans une fabrication exclusive. On trouve à vivre de cette façon et souvent par des professions plus baroques que l’on ne saurait l’imaginer ; qui croirait qu’il existe à Paris seize ateliers où l’on ne fabrique que des yeux humains artificiels ? Est-ce à dire que tous les Parisiens soient borgnes ? Non pas ; l’exportation enlève une bonne part de ces produits où l’imitation serre la nature de si près, qu’ils trompent les regards les mieux avisés.

« C’est un miracle pour moi, disait Évelyn en 1652, que dans une ville qui n’a point de commerce en grand, tous ces gens qu’on voit dans une journée, en se promenant dans les rues et les carrefours, aient tous le dos vêtu et le ventre plein. » — Il n’écrirait plus cela aujourd’hui ; le commerce a pris un développement considérable, et à mesure que Paris s’est agrandi, le nombre des intermédiaires a augmenté. Plus les distances sont longues à parcourir, plus les marchands au débit sont nombreux ; ils servent d’étape à la marchandise et la rapprochent des clients. Le bénéfice qu’ils prélèvent sur les objets achetés en gros et revendus au détail représente l’intérêt du temps épargné. 402 232 individus vivent du commerce, dont 209 634 hommes et 192 598 femmes.

Tout se vend à Paris, car tout s’achète. Les 5 952 chiffonniers médaillés qui parcourent nos rues pendant la nuit, « le cachemire d’osier » aux épaules, le crochet d’une main et la lanterne de l’autre, ont une « bourse » où l’on spécule sur les loques et sur les verres cassés. Sept grosses maisons, en relations d’affaires avec le monde entier, font le commerce des vieux timbres-poste ; 51 marchands de faux cheveux et 1 158 perruquiers ont, pendant le cours de l’année 1873, vendu 102 900 kilogrammes de cette singulière denrée qui devient une sorte de nécessité sociale, et que l’abon-