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couplet de vaudeville qui faisait allusion au goût que Charles X avait pour la chasse, on chantait :

C’est par le lapin qu’on commence,
C’est par le peuple qu’on finit.

En 1849, on fouettait sur la scène le président de l’Assemblée nationale ; depuis que n’a-t-on pas vu ? Aussi le même fait se reproduit invariablement. Les nouveaux parvenus au pouvoir qui trouvaient bon d’employer toute arme pour renverser leurs devanciers, estiment fort mauvais qu’on les attaque à leur tour, et la censure est rétablie, avec une dose de sévérité en plus. Les théâtres se plaignent et ordinairement ils invoquent Aristophane, qui pourtant n’a rien à voir en tout ceci, et sans se douter que les Chevaliers et les Nuées amenèrent le décret en vertu duquel il était interdit à Athènes d’attaquer sur la scène un citoyen par son nom[1].

  1. Il est de mode en France, toutes les fois que l’on croit avoir à se plaindre de quelque mesure restrictive, d’invoquer la libre Angleterre et de faire des parallèles qui ne sont point à l’avantage de nos administrations. Au mois de mars 1871, les directeurs du Théâtre-Français de Londres ont demandé au lord chambellan qu’on levât l’interdit qui pesait sur le Supplice d’une femme, par Emile de Girardin, le Demi-Monde, par A. Dumas fils, Séraphine, par Sardou, Julie, par Octave Feuillet ; voici la réponse que ces messieurs ont reçue ; elle eût sans doute soulevé de grosses tempêtes chez nous, mais elle a paru toute simple aux Anglais :
    cabinet du lord chamberlain.
    Palais de Saint-James, 12 mars 1874.
    Messieurs,

    Le lord Chamberlain désire que je vous accuse réception de votre lettre du 5 courant, demandant que mylord fasse examiner à nouveau certaines œuvres d’auteurs français éminents qui, de temps en temps, ont été soumises à l’examinateur des pièces et refusées comme n’étant pas convenables pour la représentation dans ce pays. En réponse, j’ai à vous informer que les décisions au sujet des pièces en question n’ont été prises par les prédécesseurs de mylord qu’après un examen attentif et soigneux, et qu’il ne voit aucune raison pour les changer. Mylord désire aussi que je vous informe qu’il considérera comme son devoir,