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forêt d’étançons qui supportent les planchers. Dans les féeries, dans les grands ballets, les dessous ont une extrême importance : c’est de là que s’élèvent subitement les bosquets improvisés sous la baguette du bon génie, que sortent tout à coup les tables chargées de mets ; c’est là que s’enfonce le diable lorsqu’il retourne aux enfers, et que disparaissent les navires brisés par la tempête. Les dessous doivent être assez profonds pour recevoir un décor entier. Là, pendant la représentation, sont des machinistes alertes, très-rompus au métier. Ils reçoivent les ordres de mouvement par un chef d’équipe qui leur parle de la coulisse même, à l’aide d’un porte-voix, comme l’officier de quart commande les chauffeurs d’un navire du haut de sa passerelle. Ces ordres, ils les exécutent avec une ponctualité exemplaire ; car, pour que le spectateur garde l’illusion, il faut qu’il y ait un synchronisme parfait entre la parole de l’acteur qui est en scène et l’œuvre du machiniste qui est dans le dessous.

Au-dessus de la scène s’étendent les frises. Pendant les entractes, on en voit tomber les tapis qui couvriront les parquets ; les ciels y sont suspendus ; on y allume les lunes ; on y prépare les éclairs. Des cordes vont et viennent, descendant ou remontant des cheminées en marbre, des meubles de palissandre, des bancs de verdure qui sont en carton peint. Tout se fait vite et silencieusement. La besogne est divisée d’avance ; chacun connaît celle qui lui incombe et ne se trompe pas. Les décors sont méthodiquement rangés les uns sur les autres, dans l’ordre où ils doivent paraître ; on n’a qu’à les saisir pour les mettre en place.

Un théâtre ne doit jamais garder que les décors nécessaires aux pièces du jour et du lendemain ; une ordonnance de police le veut sagement ainsi, car il faut diminuer, autant que possible, les chances d’incendie,