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metière d’Ivry a une étendue superficielle qui atteint presque 14 hectares : en 1877, il sera plein et il faudra le fermer. Au milieu bâille une vaste excavation, qui est une carrière ; on en tire des moellons pour construire l’enceinte, dont la solidité apparente n’a rien de rassurant. Le terrain sablonneux est propice aux inhumations, mais il est mêlé de gros silex qui sonnent sinistrement sur les bières. Pourquoi M. le directeur des travaux de Paris, qui a charge d’aménager la surface des cimetières et d’y ordonner des plantations, ne fait-il pas enlever ces cailloux ? Il pourrait s’en servir avantageusement pour réparer le macadam de nos grandes voies publiques, qui en tant d’endroits est singulièrement défectueux.

Le cimetière de Saint-Ouen, que les gens du métier ont surnommé Cayenne, est un peu plus grand qu’Ivry : 14 hectares 1/2 ; il fonctionne depuis le 1er septembre 1872 et l’on calcule qu’il pourra durer aussi jusqu’en 1877. Il est, comme celui d’Ivry, placé à côté d’un vieux cimetière devenu insuffisant ; on y arrive par la route départementale n° 20, qui prend naissance à la porte de Clignancourt. Tout ce large chemin est embarrassé des deux côtés par des constructions en bois, en pisé, en feuilles de zinc provenant des démolitions, embryon d’un village qui se fonde : cabarets, guinguettes, tonnelles, jeux de boules, jeux de siam, jeux de quilles, balançoires ; c’est d’une gaieté étourdissante ; les gens qui se rassemblent là sont bien vivants et ne se dérangent guère lorsque passent les corbillards ; peut-être, en temps d’épidémie, feraient-ils comme ces ouvriers dont parle Chateaubriand et qui, en 1832, assis aux barrières, regardant défiler les convois, levaient leurs verres pleins et s’écriaient : « À ta santé, Morbus ! »

Un peu plus haut que ces masures à ivresse, le cime-