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tants, la sombre clarté du lieu, son silence profond, l’épouvantable fracas des ossements précipités et roulant avec un bruit que répétaient au loin les voûtes, tout retraçait dans ce moment l’image de la mort et semblait offrir aux yeux l’emblème de la destruction. » Cela signifie que l’on versait les ossements comme l’on verse un chargement de sable, en faisant basculer le tombereau.

L’emplacement du vieux cimetière nettoyé, pavé, orné de la fontaine de Pierre Lescot et de Jean Goujon, devint le marché aux légumes que nous avons connu. Les ouvriers qui travaillèrent sous la direction de Thouret n’ont pas enlevé, tant s’en faut, tous les débris humains que la terre recelait. Diverses constructions faites en 1808, en 1809, en 1811, sur le marché nécessitèrent des fouilles qui amenèrent la découverte d’une quantité considérable d’os dénudés ; en 1830, pendant la révolution de juillet, il y eut aux Halles un combat assez meurtrier. Le peuple, mû par la tradition des anciens jours et voulant inhumer les morts, creusa les terrains voisins de la fontaine ; au premier coup de pioche, des fragments de squelette apparurent ; lorsque, au début du second Empire, on reconstruisit sur un nouveau modèle les pavillons des Halles, on retrouva des ossements ; on peut fouiller encore, on en extraira toujours : six siècles consécutifs de sépulture laissent des traces qui ne disparaissent pas facilement.

La suppression du cimetière des Innocents fit naître un projet qui ne reçut pas son exécution, mais qui mérite de n’être point passé sous silence, car nous l’avons vu reparaître de nos jours. Un architecte du comte d’Artois, nommé Labrière, proposa d’établir un champ de sépulture unique pour Paris ; son mémoire, adressé à Calonne, fixe par cela même la date entre 1783 et 1787 ; 90 arpents, pris entre La Villette et Aubervilliers,