Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sous la Commune, on en voulut tirer parti et l’on fit quelques frais de mise en scène. On tira des caveaux tous ces pauvres ossements, et, sur le parvis même des églises, on les exposa aux yeux du peuple ; le peuple regardait, levait les épaules et passait. On fit une grande exhibition sur les marches de Notre-Dame des Victoires et on l’annonça solennellement dans les journaux ; j’eus la curiosité d’aller la voir. C’était misérable. Derrière les grilles fermées, sur le palier qui donne entrée à l’église, on avait disposé avec un certain ordre tous les crânes, tous les tibias, tous les fémurs que l’on avait pu ramasser dans les cryptes ; ça ressemblait au déménagement d’un musée d’ostéologie mal entretenu ; deux fédérés montaient la garde en fumant gravement leur pipe à côté de ces « cadavres, qui dénonçaient les crimes des jésuites. » Quelques commères revenant du marché s’arrêtaient, jetaient un coup d’œil et disaient : Sont-ils bêtes !

Les différents cimetières que j’ai indiqués étaient réservés aux catholiques ; avant la révocation de l’édit de Nantes, les protestants en possédaient un qui leur était officiellement consacré ; il était situé rue des Saints-Pères, sur l’emplacement occupé aujourd’hui par l’École des ponts et chaussées ; mais après le 22 octobre 1685, rejetés hors du droit commun, ils durent pourvoir à leur sépulture et cherchèrent dans Paris des lieux secrets, ignorés sinon inconnus, où ils pussent inhumer leurs morts ; les enterrements se faisaient la nuit ; on ne savait quelles précautions imaginer pour déjouer la surveillance ; il y allait de la vie ou tout au moins des galères à perpétuité. De deux rapports que j’ai sous les yeux, l’un daté du 17 mai 1694 et adressé à La Reynie, l’autre du 7 mai 1696 et transmis au procureur général, il résulte que l’on portait ces malheureux dans des jardins de propriétés particulières et dans des ter-