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des sept jours la France réussit enfin à reconquérir Paris, l’usine, placée entre deux batteries hostiles, ne fut point épargnée ; en une heure, le 27 mai 1871, il n’y tomba pas moins de quatre-vingt-quinze projectiles explosibles.

Pendant cette époque détestable, tout le personnel de l’usine fut à son poste, chargeant les cornues, brûlant le coke et épurant le gaz. Ce n’est pas qu’on ne l’ait sollicité de se joindre à l’insurrection, mais il fut inébranlable. On savait que pendant les mois actifs de l’hiver l’usine emploie environ 1 100 ouvriers, et qu’en été, lors de la morte-saison, elle trouve d’ingénieux moyens pour en occuper encore au moins 600. C’était là de quoi former quelques-uns de ces bons bataillons de « vengeurs » qui défilaient dans nos rues précédés de cantinières et suivis d’omnibus chargés de tonneaux de vin. On ne manqua pas d’essayer l’embauchage ; le régisseur de l’usine laissa pénétrer des insurgés sans armes. Ceux-ci se rendirent dans les ateliers, ils invoquèrent les droits du peuple outragés, la fraternité humaine, l’Internationale, la haute-paye, les distributions d’eau-de-vie, la gloire d’émanciper les cinq parties du monde, qui n’attendaient qu’un signal pour proclamer la Commune universelle fondée sur l’abolition du capital et sur l’ivrognerie obligatoire ; les ouvriers gaziers levèrent les épaules, mirent les faiseurs de propagande à la porte et les engagèrent à n’y plus revenir.

Les travaux ne furent interrompus qu’au moment le plus ardent du combat, lorsque nul ne pouvait se hasarder dans les cours sans risquer d’être tué ; ils furent repris dès que la lutte se déplaça. En effet, s’il est une usine qui ne peut jamais chômer, c’est celle-là, car elle nous donne la vie et la sécurité nocturnes. Paris, qui a tant regimbé autrefois contre le gaz, s’y est fort accoutumé, et la consommation qu’il en fait augmente chaque année dans des proportions qu’il est utile de connaître :