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partout négligé. Certes l’isolement, la vie régulière et disciplinée, l’éloignement du milieu pervertissant sont un grand bienfait pour l’aliéné, surtout si celui-ci trouve dans son asile l’unité parfaite du traitement rationnel, ce qui n’a lieu que rarement, car le directeur idéal d’une maison de fous devrait être à la fois médecin, prêtre et administrateur, afin qu’il n’y eût aucune déviation dans la direction imprimée au malade. Si le traitement moral suffisait, un administrateur intelligent pourrait facilement l’appliquer.

Ce que je cherche dans nos asiles, c’est l’action du médecin, et je ne l’aperçois que bien peu, que bien rarement dès que je suis sorti de la salle d’hydrothérapie. À voir nos aliénistes à l’œuvre, on dirait qu’à force de se considérer comme les investigateurs jurés des désordres de l’esprit, ils ne sont plus que des philosophes dissertant sur les différentes formes des aberrations de la pensée. Ont-ils donc oublié leurs études premières ? ne se souviennent-ils plus que l’aliénation, toujours produite par une altération matérielle, exige des soins constants, assidus, et qu’elle peut être modifiée, soulagée, guérie même dans beaucoup de cas par une médication énergique et suivie ? Ils partent d’un principe qui est vrai pour quelques rares malades, mais qui est radicalement faux et vicieux pour le plus grand nombre ; ils estiment que, pour ne pas perdre leur autorité morale sur l’aliéné, ils ne doivent le voir que rarement. — Non, l’influence ne s’impose pas ; elle s’acquiert lentement, en prouvant au malade qu’on porte intérêt à ses souffrances, qu’on les comprend, qu’on les partage, et l’on détermine ainsi une soumission, une volonté de guérir, un retour vers l’espérance que l’on n’obtiendra jamais si l’on se contente de passer rapidement en lui disant : — Allons ! ça ira mieux ! — Le maître, Esquirol, n’a-t-il pas dit : « Il faut vivre avec les malades ? » J’ajouterai,