Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/392

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reur, se mord, se frappe, se déchire, la camisole de force suffit, on la traite par l’indifférence, et il n’y a pas là un médecin qui accourt pour la calmer ! En outre, dans une déposition reçue par une commission extra-parlementaire, qui recherchait les moyens d’améliorer la loi de 1838, deux magistrats ont déclaré qu’ils avaient constaté, dans un asile public, qu’un médecin continuait à rédiger le bulletin sanitaire d’un aliéné mort depuis plusieurs mois.

À quoi tient cela ? Écoutons les malades, ils ont un mot familier, une locution invariable qui nous l’apprendra ; ils disent : Le médecin passe ; le médecin va passer. Il passe en effet, et ne peut guère faire autrement, car il n’a pas le loisir de s’arrêter. Nous sommes forcés de répéter ici ce que déjà nous avons dit dans notre étude sur les hôpitaux : le personnel médical n’est pas assez nombreux et les malades le sont trop. Les cinq asiles municipaux contiennent 3 920 places ; ils sont sous la direction thérapeutique de quinze médecins, dont huit seulement résident dans l’établissement même. Le service est donc distribué de façon que chaque médecin a 261 malades à soigner[1]. Nous demandions aux médecins d’hôpitaux de consacrer trois minutes à l’examen d’un malade ordinaire ; mais ici la question n’est pas tout à fait la même, car il est indispensable de causer avec les fous, ne serait-ce qu’afin de pouvoir apprécier le degré et la nature de leur aberration. Or il faut bien cinq minutes pour interroger un

  1. Cette moyenne est dépassée quelquefois : au 15 juin 1872, la division des petites loges de la Salpêtrière, dirigée par un seul médecin, contenait 327 malades. Du reste, voici à la même date la population et le personnel médical des cinq asiles : Sainte-Anne, 524 malades, 4 médecins ; — Ville-Évrard, 248 malades, 2 médecins ; — Vaucluse, 507 malades, 2 médecins ; — Bicêtre, 419 malades, 3 médecins ; — la Salpêtrière, 902 malades, 4 médecins. Bicêtre et Ville-Évrard, évacués pendant la période d’investissement, n’ont pas encore de services bien complets. En état normal, Ville-Évrard peut renfermer 600 malades et Bicêtre 740.