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taine, vacillante, à peine visible, dont on cherche cependant à tirer parti. Ferrus est le premier qui ait essayé de les faire instruire, et Bicêtre possède une école, — école bien primaire, — pour les jeunes idiots. Leur instituteur mérite d’être nommé, car jamais, je crois, tâche plus ingrate n’est incombée à un homme.

Depuis trente-deux ans, M. Deleporte a vu passer tous les jeunes idiots que Bicêtre a renfermés. Sans se décourager jamais, il a roulé ce rocher de Sisyphe ; à force de patience, de persistance, il leur a donné quelques notions de lecture, d’écriture, de calcul et de géographie. Il a tenté par tous les moyens imaginables de mettre un peu de lumière dans ces cerveaux obscurs ; il a réussi quelquefois ; mais pour combien de jours, pour combien d’heures ? Presque tous ses écoliers sont épileptiques ; un accès survient, tout est oublié ; on recommence, on serine de nouveau ces malheureux êtres inconsistants ; à la première attaque, tout s’envole.

Près de la classe, dans une salle largement aérée, est une sorte de grande auge en bois, capitonnée de matelas : c’est là qu’on porte ceux que terrasse le mal sacré. Cela est sinistre à voir. Un enfant est au travail, l’aura epileptica, le souffle mystérieux passe, un frémissement imperceptible ride la peau du front, l’œil tourne et devient blanc, un peu d’écume rosâtre apparaît au coin des lèvres contractées, une pâleur grise envahit le visage, un bêlement plaintif s’échappe de la poitrine oppressée, et le malheureux est abattu par la convulsion[1]. Quelques-uns ont des accès si fréquents et tombent si brutalement, qu’on est obligé de leur encercler la tête dans un bourrelet de caoutchouc.

À la Salpêtrière aussi on a établi une école pour les

  1. Paracelse appelait l’épilepsie : « Le tremblement de terre de l’homme. » Il n’y a pas d’expression plus juste.