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ble et d’avoir eu commerce avec un prêtre-sorcier enterré depuis plusieurs mois. Ainsi tout ce qui aurait dû éclairer ces consciences aussi obtuses qu’exaltées semblait les obscurcir encore plus.

Pendant que cette lugubre affaire se déroulait en Normandie, au milieu d’une population épouvantée, devant des ecclésiastiques qui n’y comprenaient rien, en présence de juges qui croyaient sérieusement aux démons et qui en avaient peur, la science ne resta pas muette ; elle fut très-sagace, très-courageuse, et parla haut. Un médecin, Yvelin, ayant charge de chirurgien chez la reine mère, déclare qu’il n’y a nulle possession diabolique, mais simplement un cas de pathologie, que c’est affaire de science et non point de religion ; il dit le mot dont on usait à l’époque : ce sont des lunatiques. Cette lutte du bon sens contre la passion n’empêcha pas le parlement de Rouen de faire déterrer un cadavre qu’on brûla, d’envoyer un vivant au bûcher, de condamner la pauvre Madeleine à la réclusion perpétuelle et d’ordonner la fermeture du couvent de Louviers (1647).

La parole d’Yvelin ne fut pourtant pas inutile. Les cœurs finirent par se soulever contre tant de brutalités, qui, à force de se refuser à tout bon sens, devenaient criminelles. En 1670, à la Haye-Dupuis, un procès de sorcellerie dans lequel il fut affirmé, sous la foi du serment, qu’on avait vu un rat parler à un enfant de dix ans, est évoqué devant le parlement de Normandie ; plus de 500 individus furent impliqués dans cette affaire, et 17 furent condamnés à mort. Louis XIV cassa l’arrêt ; le parlement regimba et fit des remontrances en citant les saintes Écritures, Grégoire de Tours, les Pères de l’Église, les docteurs ès exorcismes ; il rappela les « bien-jugés » antérieurs, les condamnations suivies de supplices, et affirma son droit de frapper à mort les coupables du crime de sortilège « qui détruit les fon-