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populations entières allaient voir, allaient adorer processionnellement. Il y a plus d’une maison de santé, à Paris même, qui, si elle n’était discrète, pourrait en montrer de semblables. Il suffit que, sous l’influence de l’innervation excessive, des cicatrices de scrofules s’entrouvrent et laissent échapper un suintement sanguinolent pour que le merveilleux se produise ; si la malade n’est pas trop anémique, des pilules de fer et du quinquina viennent assez facilement à bout de ce prodige, qui est dû à une cause toute physique : une faiblesse nerveuse congénitale compliquée d’un appauvrissement du sang.

Il est un fait connu aujourd’hui et scientifiquement démontré, que les démonophobes avaient remarqué et qu’ils ont exploité au profit de leur croyance. Dans tous les procès, on voit que le premier soin des exorcistes est de rechercher minutieusement sur le corps des possédées et des sorciers ce que l’on appelait alors la marque du diable. On pensait qu’en prenant possession au sabbat de la créature qui se donnait à lui, Satan la touchait et que l’endroit où le doigt crochu avait posé restait insensible à toujours. On bandait les yeux de l’accusé, on le mettait nu, et, à l’aide d’une longue aiguille enfoncée dans les chairs, on cherchait la place maudite qui le faisait à la fois esclave et maître du démon. Cette place, il faut le dire, on la trouvait très-souvent, surtout chez les femmes. Dans cette affection à laquelle je laisserai son mauvais nom générique d’hystérie, l’insensibilité complète d’un membre, d’une partie du corps, de toute la surface cutanée, n’est pas rare ; c’est ce que l’on nomme l’analgésie. Mais le plus souvent l’analgésie n’atteint qu’un point étroitement circonscrit qu’on a parfois quelque peine à découvrir ; son peu d’étendue en fait bien la marque du doigt satanique.

Les mélancoliques et les lypémaniaques qui se mor-