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Monstrelet raconte en détail l’épidémie de démonolâtrie qui, en 1459, s’empara d’une notable partie des habitants d’Arras, surtout des femmes, et qui se termina, comme toujours, par des auto-da-fé. Le chroniqueur semble ne pas trop croire à toutes ces rondes sataniques et à l’intervention directe du diable, car il dit le mot tout net, le vrai mot que nous dirions aujourd’hui : « Pour cette folie furent prins plusieurs notables gens de la dicte ville d’Arras et aussi aultres moindres gens, femmes folieuses et autres. » Au seizième siècle, on brûle littéralement partout, et l’on n’épargne même pas les malheureux qui sont reconnus pour être des fous avérés[1]. L’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la France sont la proie du démon, nul n’échappe à ses tentations ; à la Wartbourg, le diable apparaît à Luther, qui lui jette son encrier à la tête : on montre encore la tache faite sur la muraille ; Pic de la Mirandole est témoin des visions de Savonarole, et Mélanchthon interroge des spectres qui lui répondent.

  1. « 1516. — Au dict an, il advint en la ville de Poictiers que un homme fol fit cheoir sur les corporaux, estant sur l’autel, le précieux sang de Nostre Seigneur, lorsqu’un prestre chantoit la messe, et fut ce fait après la consécration comme le dict prestre levoit le calice ; et estoit la consécration de vin blanc ; dont il advint un beau miracle, car sitost qu’il fut touché sur les corporaux sacrez, il devint rouge ; et incontinent fut recueilli en grande diligence et révérence par prestres. Et en fut faict reliquaire pour adorer ; et fut le malefacteur condamné à être en clos entre deux murs, sans le faire mourir, à cause qu’il estoit insensé, et fut dit que jamais n’en partiroit et mangeroit pain et boiroit eau seulement. — Au dict an 1533, ès fériés de Pentecouste, fut bruslée en la ville de Tours une femme veufve d’un nommé Galle, en son vivant demeurant au dict Tours, la quelle fut toujours estimée femme de bien ; néanmoins fut par une débililation du cerveau ou autrement, estant malade au lit, en un héritage sien qu’elle avoit prés de Tours, en recepvant Nostre Seigneur, elle le print des mains, et le mit en pièces, disant que c’estoit un crapaud, et ne leur cessa ce propos jusques à la mort. Ses enfans et parens furent appelans de telle sentence, par la quelle cette pauvre femme fut ainsi condamnée à telle mort. Mais la cour, voïant qu’elle persévéroit si long temps en son opiniastreté, confirma icelle sentence. » (Journal d’un bourgeois de Paris sous le règne de FrançoisIer, p. 38, p. 434.)