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dans les hôpitaux. Lorsqu’un malade a rendu le dernier soupir, il est laissé sur le lit qu’il occupait, afin qu’on puisse constater s’il n’est pas victime d’un cas de mort apparente. Au bout de deux heures, les infirmiers l’enveloppent dans un drap, le couchent sur une civière munie d’un couvercle et le transportent à la chambre de repos, où ils le livrent à un employé spécial qu’on nomme le garçon d’amphithéâtre. C’est un serviteur de première classe qui remplit cette fonction, peu enviable et pourtant fort enviée, car elle procure des bénéfices relativement considérables. Les garçons d’amphithéâtre sont spécialement surveillés, car c’est à eux qu’est confiée l’intégrité du cadavre[1].

Un fait très-grave qui s’est produit dans plusieurs hôpitaux a révélé à l’administration des abus d’un ordre révoltant. Au mois de janvier 1866, on apprit qu’une ancienne fille soumise faisait le négoce de dents et de cheveux ; elle s’en cachait si peu, qu’elle tenait magasin ouvert dans le quartier des Halles. La police prévenue fit une descente chez cette marchande de débris humains, saisit ses livres et acquit la certitude que les garçons d’amphithéâtre de la plupart des hôpitaux de Paris étaient les pourvoyeurs de cet horrible commerce, qui, dans l’espace de cinq ans, avait rapporté à quatorze d’entre eux la somme de 12 625 francs 65 cent. On peut regretter que, pour éviter un scandale, l’Assistance publique ait cru ne pas devoir livrer ces hommes à la police correctionnelle ; mais du moins on ne saurait lui reprocher d’avoir manqué de vigueur, car elle les jeta immédiatement à la porte. L’un d’eux s’est fait dentiste, s’intitule ancien praticien des hôpitaux, et continue à opérer sur les vivants

  1. On dit qu’un des membres influents de la Commune est parvenu à dépister toutes les recherches, après la bataille des sept jours, en faisant les fonctions de garçon d’amphithéâtre à l’hôpital Saint-Louis.