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palais, leur fait encore illusion ; c’est exécrable, mais ça leur parait meilleur que de l’eau. J’ai goûté le vin de quinquina de l’Assistance publique ; il n’est point préparé avec du vin de Madère, comme celui de Séguin, ni avec du vin de Malaga, comme celui de Bugeaud ; il est composé d’un alcoolat de quinquina mêlé à un gros vin du Midi, qui lui donne plus de montant, mais ne lui ôte rien de son insupportable âcreté. La consommation qui s’en fait est telle, les indigents en réclament avec tant d’insistance, qu’en 1869, dans les seules maisons de secours, on en a distribué 35 221 litres. Il en est de même de l’alcool camphré, de cette drogue dont l’odeur seule est odieuse. Bien des gens se font des bosses et des contusions exprès, prétendent qu’ils ont des douleurs dans les articulations afin d’obtenir une fiole de ce liquide violent et brûlant comme du vitriol ; rentrés chez eux, ils le coupent avec de l’eau sucrée au caramel et le boivent comme de l’eau-de-vie ; aussi 1 906 litres ont été donnés en 1869, et la moitié n’a pas servi à ce que les apothicaires appellent « l’usage externe ».

À ces consultations les femmes sont plus nombreuses que les hommes ; beaucoup d’entre elles amènent de pauvres petits enfants scrofuleux, injustement frappés dès la naissance par les suites de la débauche paternelle. Ils font pitié à voir avec leur face pâle et bouffie, leur tête trop lourde pour le cou trop grêle et déjà sillonné de cicatrices, avec l’air sérieux et réfléchi de ceux qui souffrent. Là est la vraie commisération ; on éprouve un sentiment mêlé de colère et d’attendrissement en présence de ces êtres chétifs, malvenus, qui n’ont point demandé à naître et qui toute leur vie traîneront une existence étiolée, rachitique, peut-être impotente, à coup sûr misérable. Une femme entra, jeune encore, visage émacié, cheveux d’un blond terne, œil bleu très-