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dire que la carrure de leurs épaules et leur large poigne sont fort rassurantes et laissent penser qu’on n’en aurait pas facilement raison.

Se déguisent-ils ? Ils n’aiment guère à en convenir ; mais le fait me paraît d’autant moins niable qu’ils ont dans leur vocabulaire particulier un mot, se camoufler[1], qui n’a pas d’autre signification. Chateaubriand, arrêté en juin 1832, raconte dans ses Mémoires que, pendant qu’il attendait son ordre d’écrou dans la cour de la préfecture de police, il vit entrer des agents vêtus en charbonniers, en forts de la halle, en invalides, en joueurs d’orgue, en crieurs des rues. J’ai vu moi-même, il y a une vingtaine d’années, le même individu couvert d’une blouse, coiffé d’une casquette ravalée, distribuer le matin des bulletins de vote à l’entrée d’une mairie, et le soir apparaître au bal des artistes à l’Opéra-Comique, en habit noir, fort élégant, portant plaque au côté et affectant tous les dehors d’un diplomate étranger. Quoique cette habitude de déguisement, qui était une tradition de la vieille police, soit passée de mode aujourd’hui, elle n’est pas encore tout à fait abandonnée. Il a existé autrefois un vestiaire spécial où les agents trouvaient les costumes dont ils avaient besoin ; mais peu à peu ces loques ont été mangées par les mites, et on les a jetées à la borne. Actuellement on n’a recours au travestissement que dans certains cas exceptionnels ; il serait aussi inexact de dire que les agents ne se déguisent jamais que de dire qu’ils se déguisent toujours. On les laisse libres, et pourvu qu’ils remplissent bien leur mission, il importe peu que ce soit sous un costume ou sous un autre.

Il n’y a peut-être pas fort longtemps que deux inspecteurs furent chargés de faire une surveillance très-im-

  1. Ou plus exactement se camouffer, de l’italien camuffare qui signifie précisément : se cacher la tête.