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pas et ne posséderont jamais. » Il a raison ; avant tout il faut l’instinct, il faut le goût du métier ; le reste ne vient qu’en seconde ligne et peut s’acquérir avec un peu d’expérience. Ces hommes-là sont des chasseurs, on l’a dit souvent ; ils en ont les joies, les ruses, les déceptions. Quand ils ont réussi, ils se transfigurent et ne sont plus reconnaissables ; leurs yeux brillent, ils parlent avec volubilité, ils rougissent de plaisir. J’en ai vu au moment où ils venaient de terminer une affaire délicate qui ne donnait prise que par un point très-douteux ; ils étaient d’une expansion folle, et ressemblaient à un chasseur qui vient de faire un coup double de gelinottes.

Ils ont un courage sans pareil, le vrai, le grand courage, celui qu’un homme qui s’y connaissait appelait le courage de deux heures du matin, le courage la nuit, en présence d’un danger certain, mais dont la forme est toujours inconnue, le courage en bourgeois, sans l’uniforme qui excite l’esprit de corps et exalte la vanité, le courage pour une œuvre obscure, sans gloire et qui toujours restera ignorée. Le 2 mars 1848, au lendemain de la révolution de Février, M. de Nicolaï reçut une lettre dans laquelle on lui dit que, s’il veut éviter de voir mettre le feu à son hôtel, il doit déposer une somme de 3 500 francs à un endroit désigné. La police prévenue envoie des agents en surveillance. Ils ne tardent pas à voir arriver un homme qui, après s’être assuré que personne ne passait dans la rue, se dirige vers le lieu où un simulacre de dépôt avait été fait. Un agent se précipite sur lui ; le voleur esquive l’étreinte et se sauve. L’agent le poursuit, l’atteint et le saisit au collet. À ce moment, et avant que ses camarades aient pu le rejoindre, il sent que le voleur lui applique sur le visage un objet creux, circulaire et froid qu’il prend pour le canon d’un pistolet. Il ne lâche pas son