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individus. Il met hardiment la main au fond des plaies les plus honteuses, force la prostitution à rester dans l’ornière que les ordonnances lui ont creusée, mais dont elle tâche sans cesse de sortir ; c’est lui qui, trop rarement, balaye les rues et les boulevards de tous ces immondices féminins qui les souillent ; c’est lui qui, sans pitié comme sans ménagement, — on l’a vu dans plus d’une circonstance outrageusement scandaleuse, — pourchasse ces êtres hybrides qui semblent avoir échappé par miracle au feu du ciel. S’il ne recherche pas directement les malfaiteurs, il les atteint parfois et les signale, car il connaît leurs alliées, qu’il suit, surveille et domine.

Tout ce qui touche à la prostitution, depuis la fille soumise traînant dans la lie des cabarets borgnes ses guenilles dépenaillées, jusqu’à la grande demi-dame éhontée que les souverains fréquentent et qui va aux courses en voiture à quatre chevaux, lui appartient, et l’on peut croire qu’il en rend bon compte. Au point de vue de l’arrestation des criminels, son action peut être considérable. Il est rare que le voleur n’ait point pour maîtresse une de ces pauvres créatures qui se traînent autour des ruisseaux. Par leur métier, par insouciance de caractère et faiblesse intellectuelle, elles commettent bien des contraventions que la police réprime et punit administrativement. Bien souvent, pour échapper à la dure discipline de leur prison spéciale, pour reprendre cette chaîne faite pour ainsi dire d’ivresse, d’annihilation de soi-même et de débauche, qu’elles nomment la liberté, elles livrent les secrets qu’en une minute d’émotion malsaine on leur a imprudemment confiés. On doit les écouter alors et leur tendre une main secourable. Pour manier ces âmes molles, affaissées, où la compréhension ne se fait jour que très-péniblement, il faut user d’une sorte de douceur enfantine ; la moindre