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places publiques de la commune où le tribunal criminel tenait ses séances.

Le code de 1810, dans l’article 26 dont le projet demande la réformation, sous le titre de modification, est ainsi conçu :

« L’exécution se fera sur l’une des places publiques du lieu qui sera indiqué par l’arrêt de condamnation. »

Cette disposition est restée lors de la révision du code d’instruction criminelle, en 1832.

Le projet livré notre examen porte, dans son premier paragraphe, ces mots :

« L’exécution se fera dans l’intérieur de la maison de justice ou de détention qui sera indiquée par l’arrêt. »

Deux pensées ont dominé dans tous les temps la législation qui ordonne la publicité des exécutions capitales ;

L’ignominie à infliger au coupable et à son nom ;

L’exemple pour l’intimidation de tous.

L’esprit philosophique de notre temps repousse cette tache d’ignominie qui frappe les enfants innocents du crime que le père coupable expie par le dernier supplice ; mais l’exemple a toujours semblé commander la publicité de l’exécution. Le législateur a pensé que cet éclat dans la peine est un avertissement redoutable qui doit prévenir ou arrêter de sinistres pensées, en frappant d’une intimidation salutaire. Ainsi s’est perpétuée la peine publique du carcan, de l’exposition, de la mort par le bourreau.

C’est sous l’empire de cette opinion qu’au sein de notre commission, un de nos honorables collègues[1], qu’une longue et belle carrière dans le barreau et la magistrature recommande à l’estime de tous, rappelant les souvenirs de son expérience, a soutenu le principe de la loi actuelle, sans s’opposer néanmoins d’une manière formelle à l’adoption du projet que nous discutons.

Cette opinion, que chacun de nous trouvait établie avec l’autorité du temps, et que l’esprit conçoit d’ailleurs si facilement, est-elle vraie ? doit-elle prévaloir encore ?

Depuis plus de trente années, elle a été combattue, elle a succombé sous les autorités les plus imposantes dans les pays étrangers. Au loin, comme autour de nous, l’abolition de ces désolants spectacles est proclamée. En 1832, les États-Unis donnèrent le signal : quelques petits États d’Allemagne commencèrent alors, en Europe, une lutte qui devint bientôt décisive : Hambourg, le grand-duché de Bade, le Wurtemberg, la Saxe, la Bavière, la Prusse ont successivement adopté la loi morale qui dérobe aux regards de la foule l’appareil du dernier supplice et la vue du patient dont la tête va tomber sous la hache du bourreau. Dans le canton de Berne, en 1864, 110 voix sur 162 ordonnèrent que l’exécution aurait lieu dans une

  1. M. Calmètes.