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ont amené des effets semblables ; on dirait que la misère et la richesse se sont donné le mot pour agir de conserve : des crises industrielles est sorti le chômage, vidant les ateliers et jetant sur le pavé des femmes qui ont été demander à la débauche des moyens d’existence que le travail ne leur donnait plus ; l’accroissement de la prospérité publique et des fortunes individuelles pousse naturellement aux besoins de jouir et aux excès de vanité ; l’argent coule à flots, les femmes sont accourues pour en réclamer et en prendre leur part. Il n’est pas jusqu’aux faits accidentels de notre vie sociale qui n’aient eu leur funeste importance. L’Exposition universelle de 1867, qui du reste, par les étranges auxiliaires qu’elle avait appelés à son aide, qu’elle avait placés aux endroits les plus apparents comme une réclame malsaine, comme une invitation et une promesse de mauvais aloi, semblait presque une complice, l’Exposition universelle avait attiré des quatre coins du monde toutes les filles perdues, ou qui ne demandaient qu’à se perdre ; le nombre en augmenta immédiatement de près d’un tiers à Paris, et ce nombre n’a point diminué. Ces femmes, que les mères de famille, qui les haïssent et les redoutent pour leurs fils, appellent d’un nom vigoureux et brutal, les mangeardes, excitent une telle émulation par leur luxe, par leurs toilettes, qu’elles en sont arrivées à donner le ton à la mode, et qu’on ne sait plus aujourd’hui si ce sont les honnêtes femmes qui s’habillent comme les filles, ou les filles qui sont habillées comme les honnêtes femmes.

L’amour rapproche les distances ; il y a longtemps qu’on l’a dit, mais dans les relations qu’on entretient avec elles, l’amour est pour bien peu et la vanité pour beaucoup : ce qui le prouve, c’est que les plus recherchées, les plus célèbres, les plus disputées, sont des femmes galantes sans jeunesse, arrivées, par ancienneté,