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ment, sans choix, pour de l’argent ; elle encombre les boulevards, les Champs-Élysées, le bois de Boulogne ; elle remplit nos théâtres, non-seulement dans les loges, mais sur les planches où elle paye pour se montrer comme sur une table de vente, au plus offrant et dernier enchérisseur ; elle a les façons provocantes de ceux qui ne craignent rien ; elle force les caissiers à dévaliser leur caisse ; elle sort dans des voitures à quatre chevaux ; elle porte aux oreilles des diamants historiques, et, lorsqu’elle demande une inscription pour mettre en haut de l’escalier de son hôtel, on peut lui répondre :

Ainsi que la vertu le vice a ses degrés.

Il n’est si mince beauté, esprit si obtus qui ne rêve la fortune d’Aspasie ; l’exemple de quelques laiderons sans intelligence ni grâce, arrivées à des situations exceptionnelles, prouve qu’en pareille matière toute ambition est légitime. La plupart restent à croupir dans le ruisseau et, n’ayant pu s’élever jusqu’au petit employé, sont à toujours enfermées dans le monde des manœuvres, regardant d’un œil d’envie et injuriant, lorsqu’elle passe, leur ancienne compagne qui fut blanchisseuse ou piqueuse de bottines comme elles, et qui maintenant se retourne pour voir le domestique monté derrière sa voiture. La voie ouverte était trop tentante pour la fragilité féminine, les femmes s’y sont jetées ; demandez aux patrons pourquoi ils cherchent en vain des ouvrières, aux artistes pourquoi ils trouvent si difficilement des modèles : la prostitution insoumise les a saisies et ne les lâchera plus.

Tout parait avoir concouru à produire cet état de choses dont on peut constater le résultat sur les tables des mariages et des naissances, qui diminuent dans une proportion intolérable. Des causes absolument opposées