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boulevards, les Champs-Élysées, lui sont interdits ; elle ne pourra habiter dans les environs d’un pensionnat, et comme une longue expérience a appris que les voleurs et les filles ont une insurmontable attraction les uns pour les autres, si elle a un amant, elle ne devra jamais lui donner asile ; de plus, les inspecteurs du service ont le droit d’entrer chez elle jour et nuit, à quelque heure que ce soit.

Où se recrute ce monde lamentable, qui inspire encore plus de pitié que de dégoût, lorsqu’on a eu le courage de l’étudier de près ? Dans la misère, dans la paresse, dans l’ignorance. Si ce n’est la cause, c’est du moins le prétexte. Sauf des exceptions si singulièrement rares, qu’on pourrait les citer toutes en deux lignes, ces malheureuses sortent de très-bas. Une d’elles disait avec impudence : « Je viens du ruisseau, j’y veux retourner. » La plupart sont des filles de manouvriers perdues dès l’enfance par la fréquentation de leurs semblables. À voir la précocité de leur dévergondage, on serait tenté de croire qu’elles sont nées sans aucun des attributs moraux que nous respectons chez la femme ; on dirait que l’impudeur fait partie de leur nature comme bientôt elle sera une nécessité de leur métier. L’esprit reste confondu lorsque l’on parcourt certains dossiers qui nous en apprennent plus sur l’état réel des mœurs d’un pays que tous les traités de morale imaginables. Une de ces femmes, qui a longtemps occupé le monde de Paris ; qui, grâce à des libéralités excessives et multiples, jouit maintenant d’une grande fortune et vit à l’étranger dans un palais, arrêtée à l’âge de douze ans et demi pour la troisième fois, « reconnue vénérienne et galeuse, » promettait de « renoncer à sa vie de débauche ». Que dire de cette enfant de sept ans et demi qui se sauve de la maison paternelle pour aller courir les aventures, parce que, dit-elle, elle en a l’habitude