Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas la débauche elle-même, mais le mal physique qui en résulte ; cette idée apparait très-nettement dans une ordonnance du 2 mai 1781, en vertu de laquelle tout militaire atteint de contagion pour la troisième fois sera condamné à servir deux années au delà du terme fixé par son engagement. Une telle prescription atteignait le but opposé à celui que l’on cherchait ; pour éviter le châtiment on cachait le mal, que des mesures si particulièrement étroites ne faisaient qu’aggraver.

La Révolution avait amené une licence de mœurs effrénée ; sous prétexte qu’on était un peuple libre, on dépassait ce que la monarchie absolue avait produit de plus scandaleux ; toutes les plaies morales s’étalaient en public ; les jardins, les promenades, étaient envahis par la débauche ; les gravures apposées aux vitres des marchands faisaient détourner les yeux des honnêtes gens ; les livres les plus infâmes s’entassaient chez les libraires, et bien des gens parlant de « leur âme sensible » retournaient à l’état de brute. Le mal a été bien grand sans doute, car la Commune, faisant trêve à ses préoccupations politiques, fit afficher, à la date du 4 octobre 1793, une proclamation qui tentait de modérer tous les débordements dont Paris avait à souffrir[1]. Il faut croire que la proclamation et les considérants emphatiques qui l’accompagnaient ne produisirent qu’un effet médiocre, car, le 20 ventôse an IV (1796), la Convention prescrivit un recensement général des femmes vivant exclusivement de désordre. Cette fois encore, le règlement fut nul, et ce n’est que vers 1798 qu’on s’arrête enfin à l’idée si simple de restreindre le mal produit par la débauche, en soumettant les femmes de

  1. Cet arrêté, rendu sur le réquisitoire de Chaumette, fut rédigé par Dorat-Cubières, qui était alors secrétaire-greffier de la Commune ; le dernier paragraphe « invite les vieillards, comme ministres de la morale, à veiller à ce que les mœurs ne soient point choquées en leur présence ».