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de le dire ; c’est le vol, l’assassinat, la basse orgie en permanence ; les malfaiteurs de Paris y trouvaient un refuge où la très-insignifiante police de ce temps n’osait guère s’aventurer. Bien souvent les plaintes, les réclamations des prêtres et des bourgeois habitant la Cité avaient contraint le prévôt de Paris à rendre des ordonnances dont on n’avait point tenu compte. Pour fermer cette Sodome urbaine, il fallut presque un coup d’État. En 1518, à la prière de la reine Claude, émue par les lamentations du clergé de Notre-Dame, François Ier signa des lettres patentes qui prescrivaient la destruction du Glatigny. Il se passa alors un fait des plus singuliers : les voisins de ce lieu maudit, redoutant de voir le roi, qu’on savait mobile à l’excès, rapporter bientôt l’édit qu’il venait de promulguer, s’armèrent de pelles, de pioches, de marteaux, et, en moins de vingt-quatre heures, abattirent toutes les maisons qui abritaient les femmes de mauvaise vie. Le lendemain de cette brutale exécution, l’évêque fit une procession solennelle et des exorcismes autour des ruines comme pour en chasser l’âme impure[1]. Les masures démolies furent reconstruites ; la tradition, plus forte que les arrêts de la monarchie, conserva à la débauche ces lieux de prédilection dont on avait voulu l’expulser, et, de nos jours encore, les rues obscures, étroites et puantes de la Cité servaient de repaire à ce que l’orgie a de plus honteux ; au Glatigny avaient succédé la rue aux Fèves, la rue de

  1. Au dict an (1518), samedi vingt-sixiesme janvier, fut abbatu le bordeau de Glatigny, qui estoit derrière l’église Sainct-Denys de la Chartre et joignant par derrière à icelle. Et le fut par ordonnance et commandement du roy, à la prière et requeste de la royne estant à Paris, à cause des insolences et maulx qui se commetoient par chacun jour. Et y furent trouvez les ossement de troys hommes morts, en démolissant les maisons ; et le lendemain, qui estoit dimanche, par ordonnance de monsieur de Paris, furent faictes processions généralles autour de la cité, à cause de la dicte démolition. (Journal d’un bourgeois de Paris sous le règne de François Ier, p. 73-74.)