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L’homme répondit. L’aumônier entendit mal, l’homme répéta, et voyant qu’il n’était pas compris, dicta lettre à lettre le nom du pays où il fallait adresser ce souvenir d’outre-tombe. La main du prêtre tremblait en écrivant ; le condamné, toujours assis, levait des yeux tranquilles sur les personnes qui l’environnaient. Si près de mourir, le vieil homme subsistait, car, de cette voix lente et traînarde qui lui était familière, il accusa encore ceux dont le témoignage lui avait mis le pied sur l’échafaud. L’aumônier se précipita vers lui pour chasser ces pensées mauvaises, le poussa dans l’angle du mur et lui mit ses lèvres contre l’oreille.

L’exécuteur, le chef de la sûreté, le directeur consultèrent leur montre et échangèrent un coup d’œil : Nous avons le temps. L’aumônier avait ramené le malheureux au milieu de la salle, sur le tabouret. Le fait est à peine croyable, il eut une sorte de regard nonchalamment ennuyé, comme s’il trouvait qu’on le faisait trop attendre. Parfois il haussait les épaules avec un mouvement qui semblait vouloir dire : Quel malheur ! et cherchait dans les yeux fixés sur lui un témoignage de compassion qu’il y rencontrait. L’aumônier tira de sa poche une petite fiole de vin, en versa le contenu dans un verre qu’il appuya aux lèvres du patient. Celui-ci but lentement, comme boivent les gens du peuple, en savourant, et dit : « Merci bien ! » Il fit un geste instinctif pour s’essuyer la bouche du revers de la main ; ses liens l’empêchèrent, une ébauche de sourire ironique effleura ses lèvres, et il baissa la tête.

Il était cinq heures moins quatre minutes ; la prison qui avait gardé le criminel le rendit à la justice, représentée par l’exécuteur. Deux aides prirent le malheureux par les coudes pour le soutenir : « Non, dit-il, je marcherai tout seul. » En traversant le vestibule du greffe, il adressa un dernier adieu aux surveillants. À