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Dès lors la cause était jugée avant même d’avoir été entendue. De plus, — et ce fut là une grave erreur, — au lieu d’établir son calcul sur des détenus de même origine, il a confondu ensemble ceux des villes de province, ceux de Paris, ceux des campagnes, et ne s’est point préoccupé de ce qu’ils étaient devenus après leur libération ; de sorte que les éléments de la discussion faussés dès l’origine ont amené une conclusion qui me semble erronée. Si l’on raisonne sur les mêmes espèces, on verra que la colonie de Mettray, de janvier 1840 à juin 1866, a reçu 444 enfants nés dans le département de la Seine, sur lesquels, à la dernière date, 329 avaient été rendus à la liberté. Sur ces 329 enfants élevés et corrigés dans la colonie pénitentiaire modèle par excellence, 89 ont eu de nouveau à comparaître devant les tribunaux, et ont été frappés de 335 condamnations. C’est là une proportion énorme et que la Petite-Roquette, presque exclusivement composée de Parisiens (91 sur 100 en moyenne), n’a jamais donnée. L’enfant de Paris est réfractaire au labeur des champs ; à Mettray, on lui apprend l’agriculture ; à sa libération, il revient dans sa ville natale, ne sait aucun métier et vole de nouveau. À la Roquette, on lui fait faire un apprentissage et on lui enseigne un état dont plus tard il pourra vivre.

En s’en tenant à la lettre de la loi, en dirigeant vers les colonies pénitentiaires départementales les jeunes détenus de la Petite-Roquette, on s’est bien hâté et l’on a tranché d’un seul coup une question qui demandait à être étudiée par des hommes spéciaux et appréciée en dehors de toute émotion. Les sommiers judiciaires enregistrant les récidives diront plus tard si l’on n’a pas agi avec une précipitation regrettable. Ce qu’il fallait modifier, c’est la prison elle-même, qui est mal distribuée ; c’est la loi, qui est défectueuse, car elle jette